25 septembre 2023
Le Label bas-carbone, créé par le Ministère de la Transition Ecologique en 2018, est le premier cadre de certification et de labellisation nationale de projets carbone en France. Il s’inscrit dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone. C’est la feuille de route de la France pour atteindre la neutralité carbone en 2050 en limitant le réchauffement climatique en dessous de 2°c.
Par ailleurs, il est l’héritier direct d’une initiative publique débutée en 2015 : le projet VOCAL (Voluntary Carbon Land Certification) lancé par l’Institute for Climate Economic (I4CE), un institut de recherche français. Ce projet VOCAL visait à mettre en place un cadre méthodologique de certification nationale adapté aux filières agricole et forestière pour inciter et valoriser les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’augmentation du stockage carbone dans les terres agricoles et forestières, seuls puits de carbone naturels et pilotables sur le territoire métropolitain. Co-financée par l’ADEME et le fonds européen de développement régional en Massif Central, l’initiative VOCAL a donc eu un rôle de prototype, en permettant entre autres d’évaluer la faisabilité du Label bas-carbone (LBC).
L’émergence du LBC s’appuie d’une part sur une demande de plus en plus forte du secteur agricole et forestier de faire reconnaitre et certifier leurs efforts pour le climat, et d’autre part sur une volonté des entreprises françaises de financer des projets de réduction et de séquestration carbone directement sur le territoire français.
Avant le projet VOCAL et son héritier le Label bas-carbone, il n’existait aucun cadre français pour implémenter et faire labéliser des projets carbone sur le territoire national depuis 2013. Pour résumer succinctement, il existait 2 types de compensation carbone : celle issue de la gouvernance onusienne et celle issue d’organisations de standardisation privées. Pour la première, on retrouve les instruments du protocole de Kyoto (signé en 1997) : le mécanisme pour un développement propre (MDP) et la mise en œuvre conjointe(MOC). Tandis que les projets MDP ne pouvaient s’implémenter que dans les pays en voie de développement, les projets MOC pouvaient prendre part dans les pays industrialisés, dont la France. Ainsi, une vingtaine de projets MOC, les Projets Domestiques, ont été lancés en France entre 2008 et 2012.
Néanmoins, la seconde période d’engagement du Protocole n’ayant pas été renouvelée, l’implémentation de ces projets est devenue impossible à partir de 2013.
Concernant les organisations de standardisation privées comme Gold Standard ou Verra, la France n’a jamais accepté les conditions nécessaires à leur implémentation, inhibant toute possibilité de projets sur le territoire national. Ainsi, à partir de 2013, les entreprises françaises engagées n’avaient dès lors d’autres choix que de financer des projets carbone à l’international .
Toutefois, au fil des années, d’innombrables scandales ont éclaté, accusant ces immenses projets, très souvent déployés dans les pays du Sud Global, de manquer d’intégrité en délivrant des crédits fantômes.
Le faible prix de ces projets explique en grande partie leur faible impact réel. En effet, le projet VOCAL a permis de déterminer dans une étude l’état de la demande des entreprises françaises vis-à-vis des crédits carbone. L’étude a conclu que près de 2 millions de tonnes de CO2e ont été achetées en 2015 dans le cadre de la compensation volontaire, avec un prix moyen de 4,2 euros la tonne de CO2 ! Derrière de tels prix, ces projets cachaient donc des « crédits fantômes », à savoir de fausses réductions de GES, mais aussi des scandales humanitaires avec des exemples d’accaparement des terres au détriment de populations locales ou encore de véritables désastres écologiques. Tous ces excès ont fait l’objet d’innombrables enquêtes associant certains de ces projets à du Carbon Colonialism. Dans la revue Journal of Rural Studies, les auteurs Kristen Lyons et Peter Westoby ont par exemple étudié un cas d’accaparement des terres en Ouganda dans leur article : « Carbon colonialism and the new land grab: Plantation forestry in Uganda and its livelihood impacts ». Ces exemples ont eu pour conséquence de décrédibiliser le mécanisme de la compensation carbone et de l’associer quasiment exclusivement à du greenwashing.
Autre exemple plus récent, dans un article paru le 19 septembre 2023 à propos des projets issus de standards internationaux, le Guardian écrit : « Majority of offset projects that have sold the most carbon credits are ‘likely junk’, according to analysis by Corporate Accountability and the Guardian ». Comprenez que la majorité de ces immenses projets issue des organisations de standardisation sont de la « camelotte ».
Pour pallier au manque de crédibilité et d'intégrité des crédits carbone, le Label bas-carbone entend mettre un place un cadre transparent et sûr de projets français.
Maintenant que le contexte d’émergence du Label bas-carbone a été exposé, revenons plus en détail sur son fonctionnement. Actuellement, 13 méthodes existent au sein de différents secteurs.
Dans le domaine forestier :
Dans le domaine de l’agriculture, on retrouve 6 méthodes différentes :
Dans le secteur du bâtiment :
Dans le domaine des transports, la méthode Tiers-lieux. Dans le domaine marin, Herbiers de Possidonie.
2 méthodes ne sont pas encore validées mais sont passées en consultations publiques (Ville arborée et Restauration de mangroves)
Comme le montre le graphique ci-dessous, une multitude d’acteurs interviennent, tant publics que privés dans la mise en place d’une méthodologie et d’un projet LBC. Pour y voir un peu plus clair, nous retraçons ici les différentes étapes nécessaires à la validation d’une méthodologie.
Le Label bas-carbone est créé par le Décret n° 2018-1043 introduisant toutes les modalités de son fonctionnement. C’est le Ministère de la Transition Energétique qui est en charge de les modifier par Décret et Arrêté.
L’un des fondements du Label bas-carbone est que les méthodologies peuvent être proposées par tout acteur intéressé (interprofessions, associations, entreprises, etc.). Par exemple, en 2023, la nouvelle méthode « Bâtiment neuf biosourcé » a été proposée et validée par l’association pour le développement du Bâtiment Bas Carbone (BBCA).
Une fois proposée, la méthodologie peut ensuite être approuvée par la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) après des consultations publiques et de groupes scientifiques. En particulier, le Groupe Scientifique et Technique du Label bas-carbone qui est une instance d’expertise chargée de conseiller la Direction Générale de l’Énergie et du Climat composée entre autres de l’ADEME, de l’ONF, d’I4CE. Il joue un rôle de garant de la robustesse et de l’intégrité des méthodologies du Label.
En mai 2023, près de 19 projets de méthodes étaient en cours d’évaluation et de développement démontrant bien l’intérêt grandissant pour le Label Bas-Carbone. Il est intéressant de noter la diversité des acteurs qui proposent de nouvelles méthodes. On retrouve des entreprises comme Renault qui développent une méthode afin de décarboner le secteur des transports, des cabinets de conseil comme Carbone4 ou encore des coopératives locales.
Compte tenu de la complexité des démarches imposées par le Label pour faire valider une méthode, le processus de labellisation prend généralement plus d’un an.
Comme le montre ce graphique, le nombre de projets notifiés et le nombre de projets labélisés sont en hausse constante depuis la création du Label. Ce graphique datant de novembre 2021, l’augmentation est restée constante puisqu’en septembre 2023, près de 709 projets ont été labélisés.
Intéressons-nous à présent à la méthode Grandes Cultures. Validée très précisément le 26 août 2021, sa conception et sa rédaction sont le fruit d’une collaboration entre de nombreuses organisations et instituts : Arvalis, Terres Inovia, l’institut Technique de la Betterave (ITB), l’appui d’Agrosolutions et de nombreux syndicats grandes cultures (AGPM, CGB, FOP).
Elle s’applique à des projets agricoles en France métropolitaine ayant pour objectif d’atténuer le changement climatique via des modifications de pratiques, voire de systèmes, sur les ateliers de grandes cultures. Il existe divers types de leviers, chacun ayant pour but de réaliser des objectifs spécifiques, comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à la fertilisation ou à l'utilisation de combustibles fossiles, ainsi que l'augmentation du stockage de carbone dans les sols. Les espèces concernées par cette méthode sont les suivantes : céréales (blé tendre, blé dur, orge d’hiver, orge de printemps, maïs, sorgho...) ; oléagineux (colza, tournesol, lin oléagineux...) ; protéagineux et légumineuses à graines (soja, pois, féverole, lupin, lentille, pois chiche....) ; cultures fourragères assolées (prairie temporaire, luzerne…) ; cultures industrielles mécanisées (betterave, pomme de terre, lin fibre, chanvre fibre, légumes de plein champ...) ; production de semences et de plants.
La durée des projets grandes cultures est fixée à 5 ans. Ils sont en revanche renouvelables sans limites tant que le critère d’additionnalité est bien respecté.
L’objectif d’un projet grandes cultures est de permettre de décarboner les agricultures conventionnelles, mais, au-delà de la dimension carbone, chaque projet est suivi sur une dimension environnementale, biodiversité, sociale et économique. La méthode intègre une dimension systémique de ces différents enjeux autour des grandes cultures. Ainsi, en plus des Réductions d’émissions assurées par les différents projets, il est possible de faire certifier des co-bénéfices.
On retrouve ainsi 11 indicateurs de co-bénéfices :
Le processus de labélisation se procède en différentes étapes. Prenons pour l’exemple les activités de ReSoil en Grandes Cultures. Dans un premier temps, le porteur de projet doit établir le scénario de référence. Ce scénario correspond au calcul des émissions sans l’implémentation du projet. Dans le cas d’un projet ReSoil Grande Culture, c’est la quantité d’émissions associée à une agriculture conventionnelle. Ce scénario de référence est absolument essentiel pour permettre de calculer de façon précise quel va être l’impact du projet. Avec ReSoil, les projets agricoles permettent des réductions d’émissions et une augmentation de la séquestration carbone grâce aux changements de pratiques. Ces émissions évitées grâce au projet sont donc comparées par rapport au scénario de référence, cette différence d’émissions déterminera la quantité de Réductions d’émissions et donc de crédits Label bas-carbone. On parle de la méthode « Baseline and Credit ». Le graphique ci-dessous met en évidence ce concept.
La quantité des réductions d’émissions est donc représentée par la surface de la zone hachurée.
Une fois le diagnostic établi, l’agriculteur partenaire et ReSoil signent un contrat pour officialiser que l’agriculteur mandate ReSoil pour la mise en place du projet. Le rôle du mandataire est central, il est en charge du processus administratif de labélisation et il apporte un appui technique pour la construction du projet en rédigeant le document de présentation du projet. Ce contrat est envoyé à la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) de la région où se trouve l’agriculteur. Ce processus est donc décentralisé, chaque projet doit se faire valider par la préfecture de sa région. Ensuite, La DREAL examine le projet et valide la labélisation du projet. À partir du moment ou le projet est accepté par la DREAL, ReSoil commencer à financer le projet de transition vers des pratiques agricoles régénératrices. (Pour comprendre ce qu’est l’agriculture régénératrice, vous pouvez lire cet autre article de ReSoil). Ce financement est assuré par la vente des crédits carbone Label bas-carbone aux entreprises. De plus la validation du projet permet de faire apparaitre le projet sur le site du LBC. ReSoil s’occupe donc à la fois de l’implémentation des projets en partenariat avec les agriculteurs et de la vente des crédits directement aux entreprises.
Afin d’assurer l’intégrité du processus, un auditeur externe vérifie les engagements ainsi que les réductions d’émissions prônées par le projet. L’audit à lieu à la fin du projet, en 5ème année. Dans un souci de transparence, ReSoil a pris la décision d’organiser un audit supplémentaire à mi-projet.
Lorsqu’un audit est complété, les réductions d’émissions comptabilisées sont attribuées aux propriétaires, aux entreprises ou aux organisations qui ont financé le projet. Le droit de propriété des crédits est donc transféré et l’identité de l’acheteur est inscrite dans le registre du Label. Ce faisant, les réductions d’émissions ne sont pas échangeables ni transférables sur un marché, empêchant toute forme de spéculation ou de transformation du crédit carbone LBC en actif financier.
La mission de ReSoil est de favoriser la transition vers une agriculture durable pour la planète, viable économique pour les agriculteurs et comprise par tous en reconnectant le monde agricole et celui des entreprises.
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