15 octobre 2024
Les premiers mètres du sol représentent à eux seuls un stock de carbone d’environ 1 500 milliards de tonnes, soit 2 fois plus que la quantité de carbone contenue dans l’atmosphère et 1,5 fois plus que celle contenue dans les océans. Mais comment le carbone entre-t-il dans les sols ?
La première porte d’entrée du carbone dans les sols n’est autre que la photosynthèse. En effet, les organismes photosynthétiques fixent chaque année 120 milliards de tonnes de CO2. La photosynthèse leur permet de piéger le carbone atmosphérique grâce à l'énergie solaire pour produire de la biomasse qui, une fois décomposée, enrichit le sol en carbone. Ces organismes sont dits autotrophes car ils produisent leur propre matière organique. Ils sont ainsi considérés comme étant le premier maillon de la chaîne trophique (ensemble des chaines alimentaires d’un écosystème) car ils transforment la matière minérale en matière organique. Par la suite, les chaînes de carbone sont consommées par les animaux et microorganismes pour subir toute une série de transformations. Le carbone fixé par la photosynthèse se retrouve ainsi dans plusieurs formes de matières organiques : les organismes vivants (bactéries, champignons, animaux et végétaux), les organismes morts en décomposition et les matières organiques stables appelées humus issues de la décomposition des organismes. Au cours de ces transformations une partie du carbone peut être relarguée dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone. Pour en apprendre plus sur ce sujet, vous pouvez lire cet article.
La photosynthèse se définit comme la pompe biologique du carbone atmosphérique. On distingue 2 types de photosynthèses en fonction de la production ou non de dioxygène au cours de la réaction :
C’est le premier type de photosynthèse apparu sur Terre il y a plus de 3 milliards d’années. Néanmoins la fixation du CO2 par cette photosynthèse semble limitée dans les écosystèmes contemporains. Elle est encore utilisée par les bactéries pourpres sulfureuses présentes dans les eaux stagnantes des lacs. Ces bactéries utilisent de l’hydrogène sulfuré comme source d’électrons et la fixation du carbone minéral produit ainsi du souffre et non du dioxygène.
Elle a lieu dans les chloroplastes, un organite spécifique des cellules végétales. Cet organite est un compartiment cellulaire qui possède les enzymes nécessaires à la réaction photosynthétique ainsi que des pigments capables de capter l’énergie lumineuse.
Ce bilan se décompose en 2 phases au sein du chloroplaste :
D’après le bilan de la réaction, on comprend que 5 éléments sont essentiels et peuvent limiter la photosynthèse :
La température contrôle l’ouverture des stomates et impacte donc les échanges gazeux de la plante avec l’atmosphère. Des températures extrêmes limitent les entrées de dioxyde de carbone et ralentissent l’activité enzymatique, en particulier des enzymes responsables de la production d’amidon.
La photosynthèse se déroule à un optimum thermique différent selon les espèces. Par exemple, cet optimum est centré sur 22 °C pour le maïs (plante en C4) et 15 °C pour le blé (plante en C3). Le rendement de la photosynthèse du blé peut chuter de 50% en présence de fortes températures. Au cours du remplissage des grains, un tel processus peut se manifester dès lors que la température maximale dépasse 25 °C, on parle d’échaudage thermique. On trouve toutefois des espèces en C3 acceptant des températures élevées, comme le riz.
Certains des facteurs énoncés ci-dessus peuvent être impactés directement par les pratiques culturales mises en place. C’est le cas du CO2, de l’eau et des éléments minéraux.
Par exemple, la mise en place de couverts végétaux, cultures intermédiaires couvrant le sol entre deux cultures principales, permet :
Une autre pratique intéressante à associer aux couverts végétaux est la réduction du travail du sol. Par exemple, les Techniques Culturales Simplifiées (TCS) qui travaillent le sol moins en profondeur que le labour et sans retourner l’horizon de sol permettent :
Certains végétaux présentent une adaptation métabolique qui leur permet de conserver une activité photosynthétique efficace même dans des conditions extrêmes car ils contournent la double activité de la RubisCO : c’est la photosynthèse en C4.
L’enzyme clé de la photosynthèse est la RubisCO. Elle représente plus de 50 % de l’azote sous forme protéique contenue dans une feuille !
Les feuilles des plantes en C4 ont une organisation différente qui leur permet de contourner la compétition entre la fixation du CO2 et celle de l’O2. Classiquement, lors de la photosynthèse en C3, la réaction a lieu dans un seul type de cellule. A l’inverse, lors de la photosynthèse en C4, il y a une séparation spatiale entre les phénomènes de récupération du CO2 et son utilisation :
Les espèces de type CAM (Crassulacean Acid Metabolism) sont des plantes dont le métabolisme est une variante du type C4. C’est le cas par exemple de l’agave ou de l’ananas. La séparation des phénomènes de récupération du CO2 et de son utilisation n’est pas spatiale mais temporelle : le CO2 est accumulé le jour et il est fixé sous forme de plus grande molécule carbonée la nuit.
Les espèces en C4 et CAM ont donc une meilleure efficience d’utilisation de l’eau car elles peuvent fermer leurs stomates tout en conservant une activité photosynthétique efficace.
Les plantes en C4 nécessitent donc moins d'eau pour produire autant de biomasse que les plantes en C3. Par exemple, en l'absence de facteurs limitants, le maïs produit 40 kg de MS/mm/ha, tandis que le blé ou le ray-grass ne produisent que 25 kg MS/mm/ha. Bien que le maïs soit résilient face au manque d’eau, le rendement peut être fortement affecté par un stress hydrique. Les stades les plus sensibles au déficit hydrique, du stade 10 feuilles au stade 50% d’humidité du grain, se positionnent pendant la période estivale. Cela pose problème car les températures augmentent justement à cette période et cela s'accentuera de manière tendancielle sous l’effet du changement climatique, tandis que la pluviométrie annuelle reste relativement stable. Une solution peut-être de choisir une variété précoce afin que la floraison ne coïncide pas avec une période de stress. Le maïs perd cette exceptionnelle efficience d'utilisation de l'eau car il est fragilisé par un système racinaire peu développé contrairement à d’autres plantes en C4 comme le sorgho. Le sorgho est capable de poursuivre sa photosynthèse à des températures allant jusqu’à 40°C alors que le maïs stoppe sa croissance autour de 30-35°C. Mais attention, le sorgho n’est pas la solution miracle car il peut présenter une rentabilité plus faible que le maïs selon le type de sol et la disponibilité en eau. De plus la filière est encore insuffisamment développée pour apporter les débouchés nécessaires. Les surfaces de sorgho grain représentent environ 70 000ha, moyenne quinquennale, ces 5 dernières années et se situent essentiellement en Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et dans le sud du bassin parisien.
Les pratiques mentionnées ci-dessus, couverts végétaux et travail du sol superficiel, sont des piliers phares de l’agriculture régénératrice. Cela n’est pas étonnant car l’objectif premier de l’agriculture régénératrice est de restaurer la vie des sols. Or un sol vivant est caractérisé par une meilleure structure, une vie microbienne accrue et une meilleure disponibilité en eau, autant d’éléments qui rendent la photosynthèse d’une plante efficace. Les pratiques recommandées dans le cadre de l’agriculture régénératrice permettent donc d’améliorer la photosynthèse des cultures. Pour en apprendre davantage sur ce type d'agriculture, vous pouvez consulter cet article.
Le cas ambigu du maïs, une plante adaptée à un climat chaud et sec sauf à certains stades clé de son cycle, nous révèle qu’il n’existe pas une culture répondant à tous les enjeux énoncés : efficacité de la photosynthèse en situation de stress hydrique, rendements satisfaisants, débouchés attrayants. Les plantes en C3 restent d’ailleurs les plantes les plus plastiques. En effet leur optimum thermique varie de 7 à 35°C environ, tandis que celui des plantes en C4 oscille, entre 20 et 40°C. De plus, lorsque la température est inférieure à 20°C la photosynthèse des plantes en C3 est en moyenne plus élevée que celle des plantes en C4. Face à l’absence d’une culture “miracle” et à des conditions météorologiques variant considérablement d'une année à l'autre, la diversification des cultures semble être une solution viable pour maintenir la santé du système agricole et assurer un revenu aux agricultrices et agriculteurs. En effet, en produisant les cultures sur les terres qui leur sont respectivement plus propices, la diversification des cultures garantit une production quels que soient les extrêmes climatiques. Cette pratique fait partie des leviers recommandés pour entamer une transition agricole bas-carbone.
Vous êtes agriculteur et vous désirez en apprendre davantage sur les leviers bas-carbone et la rémunération carbone proposée par ReSoil, rendez-vous ici ou contactez-nous.