01 janvier 2024
Dans un contexte où l'urgence climatique devient de plus en plus prégnante, il est impératif pour les entreprises de reconnaître et d'intégrer activement la séquestration carbone dans leurs stratégies de responsabilité sociale d'entreprise (RSE). Cette démarche ne se limite pas à une simple réduction des émissions de carbone, mais s'étend à une participation active dans leur « compensation ». Ou plutôt, à une démarche de contribution à la neutralité carbone, également appelée contribution carbone. Cette nuance entre les termes « compensation » et « contribution » carbone est importante, car il est essentiel de rappeler ici qu’il serait impossible de simplement « compenser », c’est-à-dire neutraliser l’ensemble des émissions mondiales actuelles.
En effet, les émissions de CO2 d’origine anthropique représentaient près de 41 milliards de tonnes de CO2 en 2022. Une étude scientifique parue dans Nature Climate Change a analysé les forêts mondiales entre 2001 et 2019, sur base d’observations par satellite et de mesures au sol. Sur la période, elles ont séquestré annuellement 16 milliards de tonnes de CO2 en moyenne, et libéré annuellement 8,1 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère à cause de déforestation, incendies, maladies et autres perturbations. Cela représente donc un stockage net annuel de l'ordre de 7,9 milliards de tonnes de CO2. Pour compenser toutes les émissions mondiales, il faudrait donc 5 fois plus de surface de forêts qu’à l’heure actuelle. Or, les forêts représentent 30% des terres émergées. Elles représentaient autrefois 50% des terres émergées, mais face à la croissance démographique, il a fallu créer des villes et de nouvelles terres cultivées en déforestant. Il est urgent d’arrêter la déforestation. Mais même si on y parvenait, il faudrait donc l’équivalent de 5 planètes terre pour compenser toutes nos émissions. La neutralité carbone ne sera atteinte qu’avec une baisse drastique des émissions de CO2, et une amélioration de nos puits de carbone : préserver nos forêts, mais aussi transformer nos terres agricoles pour qu’elles séquestrent plus de carbone.
A l’échelle de la France, la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone) vise la neutralité carbone en 2050. Pour cela, elle table sur 80 millions de tonnes de CO2 émises sur le territoire national en 2050, contre 404 millions en 2022 (il faut encore diviser nos émissions par 5…). Et donc 80 millions de tonnes de CO2 séquestrées dans les sols, contre 30 millions actuellement. Il faut multiplier nos puits de carbone par 2,7 !! Il ne sera pas possible d’étendre significativement nos forêts, surtout dans un délais aussi court, mais nous pouvons déjà améliorer leur gestion : elles stockaient 50 millions de tonnes de CO2 par an en 2015, contre 27 millions aujourd’hui à cause des maladies, sécheresses, et autres incendies. L’autre facteur déterminant pour la France sera également l’agriculture : l’INRAE, dans son étude intitulée « initiative 4 pour 1000 » estime le potentiel de stockage de carbone supplémentaire dans les sols agricoles nationaux à 21 millions de tonnes par an, dont 18 millions de tonnes de CO2 par an qui serait stockable dans les Grandes Cultures si nous adoptons des pratiques agricoles régénératrices.
La SNBC, et à travers elle notamment l’ADEME (Agence de la Transition écologique) et le Haut Conseil pour le Climat, appelle les entreprises à suivre cette voie de réduction de leurs émissions, et de contribution à la neutralité carbone. L'adoption d'une stratégie de séquestration carbone efficace est aujourd'hui un élément clé pour les entreprises souhaitant se positionner en tant que leaders dans la lutte contre le changement climatique. Cela implique une compréhension approfondie des enjeux actuels et une capacité à intégrer ces connaissances dans la planification stratégique globale.
Dans cet article, nous allons explorer comment définir de manière optimale le nombre et le type de crédits carbone à acquérir, en nous appuyant sur les recommandations du pilier C de la Net Zero Initiative du cabinet Carbone 4, et d'autres sources pertinentes. Notre objectif est de fournir un guide clair et pratique pour vous aider à élaborer une stratégie de séquestration carbone à la fois efficace et alignée sur les objectifs de votre entreprise.
La séquestration carbone, bien plus qu'un simple concept, est un pilier fondamental dans la lutte contre le changement climatique. Pour les entreprises, cela signifie aller au-delà de la réduction des émissions : il s'agit d'une démarche proactive de contribution carbone visant à capturer et stocker activement le carbone atmosphérique. Cette démarche est cruciale car elle offre une voie pour atténuer l'impact climatique tout en poursuivant les objectifs économiques.
Les 3 piliers de la Net Zero Initiative, développée par le cabinet Carbone 4 et soutenue par l’ADEME, offrent un cadre pour comprendre et intégrer la séquestration carbone. Ils mettent l'accent sur trois aspects clés : la réduction des émissions, la séquestration carbone, et l'alignement avec les objectifs scientifiques. Pour les entreprises, cela implique une analyse détaillée de leur empreinte carbone et une compréhension claire de leur potentiel de réduction et de séquestration.
Après avoir défini une stratégie de réduction de ses propres émissions (pilier A) et déterminé le potentiel réduction de l’empreinte carbone des autres entreprises grâce à ses produits ou services (pilier B), le pilier C consiste à définir une stratégie d’augmentation des puits de carbone. Si l’on est une entreprise du secteur des terres, l’enjeu est colossal car on est alors un gestionnaire de puits de carbone. Ces acteurs sont invités à agir directement dans leur chaine de valeur, sur les terres agricoles ou les forets qu’elles possèdent. Pour toutes les autres entreprises, c’est-à-dire pour la plupart des entreprises, l’action sur le pilier C ne peut se faire que par le financement de projets de séquestration carbone. C'est ce qu'on appelle la contribution carbone.
Un aspect crucial est de définir une stratégie de séquestration alignée avec les valeurs et les objectifs de l'entreprise. Cela implique une évaluation des diverses options disponibles, telles que les projets de reforestation, la gestion durable des terres agricoles, ou les technologies de capture et stockage de carbone, même si ces dernières sont encore très chères et peu développées, car peu efficaces. Chaque entreprise doit considérer son contexte spécifique pour déterminer la combinaison la plus efficace et pertinente de ces approches.
L'intégration de la séquestration carbone dans la stratégie RSE nécessite également une compréhension des diverses réglementations et normes en vigueur. Cela inclut :
De façon générale, une approche transparente et fondée sur des preuves est essentielle pour assurer la crédibilité et l'efficacité de la stratégie.
La séquestration carbone est une composante essentielle des stratégies RSE modernes. Elle offre non seulement un moyen de combattre le changement climatique, mais aussi une opportunité pour les entreprises de démontrer leur engagement envers un avenir durable. En suivant les principes de la Net Zero Initiative et en adaptant la stratégie à leurs besoins spécifiques, les entreprises peuvent jouer un rôle clé dans la transition vers une économie bas carbone.
L'élaboration d'une stratégie de séquestration carbone (permise par la contribution carbone) commence donc par une compréhension approfondie de l'empreinte carbone de l'entreprise et de ses possibilités de réduction des émissions. Il est important de reconnaître que chaque entreprise a des besoins et des capacités uniques en matière de séquestration carbone, ce qui nécessite une approche sur mesure. Une fois l'analyse effectuée, il est essentiel de définir des objectifs clairs et réalisables. Ces objectifs doivent être alignés avec les engagements climatiques globaux de l'entreprise et doivent être ambitieux, tout en restant réalistes. Ils doivent également être intégrés dans la stratégie globale de l'entreprise, garantissant que la séquestration carbone est un élément central et non un ajout périphérique.
Le cabinet Carbone 4 a publié un guide en juillet 2023, afin d’aider les entreprises à calibrer ce volume de contribution carbone. Et sans surprise par rapport à ce que nous venons de dire, ce volume dépend d’abord des émissions de l’entreprise (pilier A). L’entreprise définit son objectif de séquestration carbone à partir de son empreinte carbone, et de ses objectifs de réduction d’émissions dans le temps. Ces derniers doivent être alignés avec des trajectoires de réduction d’émissions collectives de référence, fondées sur la science. De ces deux variables découlent la stratégie de contribution carbone à adopter, et donc le nombre de tonnes de CO2e à séquestrer, qui correspond au nombre de crédits carbone certifiés et audités à acheter. 1 crédit carbone représente en effet une tonne de CO2e évitée ou séquestrée. Il est donc fondamental de vérifier si les crédits carbone achetés correspondent à des tonnes évitées (pilier B de la matrice Net Zero Initiative), ou séquestrées, ce qui est recherché ici (pilier C de la matrice Net Zero Initiative). Le Label bas-carbone, créé par le Ministère de la transition écologique et poussé par l’ADEME, permet de financer de tels projets sur le territoire français, en garantissant leur robustesse et leur efficacité.
Le rapport entre les puits de carbone (pilier C) et les émissions d’une entreprise doit toujours suivre celui du scénario de référence collectif choisi. Dans le scénario SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone de la France), et dans le scénario de réchauffement climatique limité à 1,5 degrés (Monde), la neutralité carbone est atteinte en 2050, ce qui implique un ratio Pilier C / Pilier A de 100% en 2050 (autant d’émissions annuelles que de séquestrations annuelles de CO2). Ce ratio aumgente progressivement entre 2022 et 2050, à la fois grâce à une réduction des émissions de l'entreprise au numérateur, et grâce à une politique de plus en plus active de contribution carbone au dénominateur. Vous remarquerez que le scénario 2 degrés (Monde) n’atteint la neutralité carbone qu’après 2050 (ratio Pilier C / Pilier A de 35% seulement en 2050). Ce scénario n’est pas recommandé par la France et par l’Europe, qui visent une neutralité carbone dès 2050 pour limiter le réchauffement climatique global en dessous de 2 degrés, et le limiter si possible à 1,5 degrés.
L'implication des parties prenantes internes et externes est également cruciale dans cette étape. Les entreprises doivent engager un dialogue avec les employés, les clients, les fournisseurs et d'autres parties prenantes pour s'assurer que la stratégie est bien comprise et soutenue. Cette implication favorise l'adoption de la stratégie et renforce son efficacité.
Enfin, la flexibilité et l'adaptabilité sont des qualités essentielles dans l'élaboration de la stratégie. Les conditions du marché (prix, localisation et disponibilité des projets), les avancées technologiques et les évolutions réglementaires peuvent influencer les opportunités et les défis de la séquestration carbone. Les entreprises doivent être prêtes à ajuster leur stratégie en fonction de ces changements pour rester à la pointe de la lutte contre le changement climatique. Elles doivent donc comprendre l’offre disponible et les dates de séquestration de carbone proposées par chacun des projets, afin de vérifier si cela correspond à son propre calendrier de séquestration carbone. Un projet financé aujourd’hui peut signifier une tonne de CO2 séquestrée l’année prochaine, ou bien dans 30 ans selon les projets, ce qui n’a pas du tout les mêmes conséquences.
Définir une stratégie de séquestration carbone alignée avec les objectifs de l'entreprise nécessite donc une approche holistique et stratégique. En considérant attentivement leurs besoins spécifiques et en impliquant activement toutes les parties prenantes, les entreprises peuvent développer des stratégies de séquestration carbone efficaces et durables.
Lors de la sélection des projets de séquestration carbone, la qualité et la durabilité doivent être au cœur des critères. Les entreprises doivent rechercher des projets qui non seulement capturent le carbone de manière efficace, mais qui contribuent également :
Il est essentiel de choisir des projets qui offrent des avantages tangibles et mesurables, à la fois pour l'environnement et pour les communautés locales.
La diligence raisonnable est un aspect fondamental dans l'évaluation des projets. Cela comprend une évaluation approfondie des méthodologies utilisées, des certifications et standards respectés, et des impacts environnementaux et sociaux. Il est donc très fortement recommandé, pour ne pas dire obligatoire, de privilégier les projets qui respectent des normes internationales reconnues et qui font l'objet d'une vérification indépendante.
En outre, il faut s'attarder sur la qualité intrinsèque des projets. Cela signifie examiner les détails spécifiques du projet, comme son emplacement, la technologie utilisée, et la durabilité à long terme. Les projets doivent être choisis non seulement pour leur capacité à séquestrer le carbone, mais aussi pour leur adéquation avec les valeurs et les objectifs spécifiques de l'entreprise.
Enfin, la transparence dans la sélection et l'évaluation des projets est essentielle. Les entreprises doivent être prêtes à partager des informations sur les projets choisis, les raisons de leur sélection, et les résultats obtenus. Cela renforce la confiance des parties prenantes et démontre un engagement réel envers une stratégie de contribution carbone responsable.
Cette étape est cruciale pour assurer l'efficacité et la cohérence de la démarche RSE. L'intégration effective de la séquestration carbone dans la stratégie globale de l'entreprise nécessite un engagement fort de la part de la direction et une gouvernance claire. Les dirigeants doivent comprendre l'importance stratégique de la séquestration carbone et s'engager à intégrer ces actions dans les objectifs globaux de l'entreprise. Cela implique également la mise en place de structures de gouvernance internes pour superviser et orienter les initiatives de séquestration carbone.
La communication interne joue un rôle clé dans cette intégration. Il est important d'informer et de former les employés sur les objectifs et les avantages de la stratégie de séquestration carbone. Cela peut inclure des sessions de formation, des mises à jour régulières, et la mise en place de canaux de communication dédiés pour partager les progrès et les succès. Dans cette optique, la possibilité de visiter les projets financés est une donnée importante. Cela permet de sensibiliser les collaborateurs mais aussi de les engager dans la démarche de l’entreprise, tout en permettant une meilleure transparence et vérification des projets soutenus. C’est pour cette raison que chez ReSoil, nous proposons à toutes nos entreprises partenaires de se rendre une fois par an sur les fermes qu’elles soutiennent par notre intermédiaire, pour comprendre comment leur financement carbone est utilisé par l’agriculteur accompagné par ReSoil, pour séquestrer du carbone et préserver les ressources et la biodiversité, grâce à la mise en place de pratiques agricoles régénératrices.
L'engagement des parties prenantes externes à l’entreprise est également essentiel. Les entreprises doivent dialoguer avec les fournisseurs, les clients, les investisseurs et les communautés locales pour expliquer leur démarche et chercher des opportunités de collaboration. Cela renforce la crédibilité de l'entreprise et accroître l'impact de ses initiatives. Cela permet aussi à l’entreprise, si elle choisit des projets locaux, d’être un véritable acteur de sa communauté, sur son territoire. Là où se trouvent ses clients, ses collaborateurs et ses fournisseurs…
Enfin, la mise en place de mécanismes de suivi et de reporting régulier est indispensable. Les entreprises doivent mesurer l'efficacité de leur stratégie de séquestration carbone et communiquer ouvertement sur les résultats. Cela comprend le reporting sur les progrès réalisés, les défis rencontrés et les leçons apprises, ce qui est essentiel pour maintenir la transparence et la confiance des parties prenantes. C’est également dans cette optique que nous avons développé chez ReSoil une plateforme entièrement dédiée au suivi des projets, pensée pour les entreprises contributrices. Elle présente des KPIs sur le carbone mais aussi sur tous les co-bénéfices du projet liés à la biodiversité ainsi que leur évolution au cours du temps. Cette plateforme propose aussi des photos, des vidéos et des explications sur les projets financés tout au long de leur déroulement.
Le suivi régulier permet non seulement de mesurer l'impact direct des projets, mais aussi d'identifier les domaines d'amélioration. Cela peut impliquer la révision des stratégies, l'ajustement des objectifs ou la recherche de nouvelles opportunités de séquestration. Un suivi rigoureux assure également la crédibilité des initiatives de l'entreprise auprès des parties prenantes et du marché.
En adoptant une approche structurée et en impliquant activement toutes les parties prenantes, les entreprises peuvent s'assurer que leur stratégie est non seulement efficace, mais aussi alignée avec leurs valeurs et objectifs globaux. De plus, en adoptant une approche rigoureuse et transparente dans la mesure et le suivi des résultats, les entreprises peuvent non seulement améliorer leur impact environnemental, mais aussi renforcer leur position de leader dans la lutte contre le changement climatique.
Alors que nous concluons notre exploration de la stratégie de séquestration carbone, il est clair que cette démarche est plus qu'une simple action environnementale : elle représente un engagement profond envers un avenir durable. Les entreprises qui intègrent efficacement la séquestration carbone dans leurs stratégies RSE ne se contentent pas de contribuer à la lutte contre le changement climatique, elles tracent également la voie vers une responsabilité sociale et environnementale accrue.
Nous avons discuté de l'importance de sélectionner des projets de qualité, d'intégrer ces initiatives dans la gouvernance d'entreprise, et de la nécessité de mesurer et suivre leurs impacts. Ces actions ne sont pas seulement bénéfiques pour l'environnement ; elles renforcent également la réputation et la crédibilité de l'entreprise.
Enfin, chaque entreprise est encouragée à prendre des mesures audacieuses et réfléchies. Votre leadership et votre engagement en faveur de la séquestration carbone peuvent faire une différence significative. En adoptant les meilleures pratiques et en restant fidèles à vos valeurs d'entreprise, vous contribuerez de manière significative à un avenir plus vert et plus durable.
Pour découvrir comment les projets d'agriculture régénératrice que nous développons partout en France - labellisés par le Label bas-carbone - séquestrent du carbone et peuvent vous permettre de définir une stratégie de contribution carbone cohérente, jetez un œil aux projets de transition de nos agriculteurs partenaires ou contactez-nous !