Dans quelle mesure la qualité de l'air est impactée par l'agriculture actuelle ?

31 mai 2024

par
Lise
Champ de pommes de terre

INTRODUCTION

  1. L’agriculture régénératrice

L’agriculture régénératrice est un terme apparu dans les années 2010 pour désigner les pratiques culturales qui cherchent à augmenter la biodiversité et rendre les écosystèmes agricoles plus résilients face aux aléas changements. Les 5 piliers de l’agriculture régénératrice sont :

  • La couverture des sols un maximum (notamment pour limiter l’érosion des sols, nourrir en matière organique et structurer les sols ainsi qu'augmenter la rétention de l’eau)
  • La minimisation du travail du sol (notamment pour limiter l’érosion et maintenir la vie biologique des sols)
  • La diversification et l’allongement des rotations de cultures (notamment pour favoriser la biodiversité pour un écosystème plus résilient faces aux aléas climatiques et maladies culturales)
  • L’insertion de légumineuses ou épandre des engrais organiques (notamment pour diminuer l’utilisation d’engrais minéraux de synthèse)
  • La réintégration de l’élevage ou de l’agroforesterie (notamment pour favoriser la biodiversité)

Les 5 piliers de l'agriculture régénératrice
Les 5 piliers de l'agriculture régénératrice (Source : Gal culturalité)

  1. La qualité de l’air

La qualité de l'air est défini par la présence dans l'atmosphère de polluants d'origine naturelle (éruptions volcaniques, brumes de sable, incendies de forêts, ...) ou d'origine anthropique (activités humaines liées aux industries, transports, à l'agriculture, au chauffage résidentiel, à la production d’énergie ou au brûlage à l’air libre de déchets). Par exemple, d'après l'Ademe, 50kg de déchets verts brûlés à l’air libre émettent autant de particules fines qu’environ 35 000 km parcourus dans une voiture particulière récente.

Il existe différents types de polluants : des gaz (l’ozone à moins de 10km d’altitude, l’ammoniac, dioxyde d’azote), les particules fines, les composés organiques volatils, etc.

Près de 40 000 décès par an sont liés à la pollution aux particules fines (PM2,5) et 7 000 aux dioxyde d’azote (NO2), soit respectivement 7 % et 1 % de la mortalité totale française, d’après Santé publique France.

Aucun territoire n’est épargné par les polluants atmosphériques : les villes sont plus impactées par les polluants issus des transports par exemple, tandis que les campagnes le sont plus par les polluants agricoles. Pour exemple, le nombre de jour de bonne ou très bonne qualité varie dans l’agglomération lilloise est de 245 jours/an en 2020.

I. Boucle de rétroaction entre qualité de l'air et agriculture

A. L'agriculture impacte la qualité de l'air

  1. Constat des émissions de polluants

Le phénomène des pluies acides depuis les années 1970 a mis en évidence dans l’atmosphère des particules agricoles et des composés phytosanitaires. Ainsi les pratiques agricoles impactent fortement la qualité de l’air.

L’azote agricole volatilisée sous forme d’ammoniac (NH3) peut se combiner à d’autres polluants atmosphériques primaires (directement rejeté dans l’air) issus de l’industrie ou des transports pour former des particules secondaires (non directement émises dans l'atmosphère). Ainsi des pics de pollution sont entrainés par de forte concentration de polluants primaires et secondaires.

Voici le détail chiffré des origines de différents polluants atmosphériques (Ademe, 2023)

Origines et diversité des polluants atmosphériques
Origines et diversité des polluants atmosphériques (Ademe, 2023)

Ainsi, l’agriculture impacte fortement la qualité de l’air en étant à la source d’une grande diversité de polluants atmosphériques. D'après l'Ademe, les 94 % d’émissions d'ammoniac agricoles proviennent pour les 3/4 des effluents d’élevage et pour 1/4 des fertilisants minéraux.

Augmentation des émissions d'ammoniac plus importantes depuis 1950
Augmentation des émissions d'ammoniac plus importantes depuis 1950 (CEDS, 2024)

Il est intéressant de noter qu'au niveau mondial les émissions de tous les polluants atmosphériques baissent depuis quelques années ou dizaines d'années, sauf celles de l'ammoniac. Ses émissions ont drastiquement augmenté aux alentours de 1950, tournant qui marque l'utilisation des engrais minéraux de synthèse dans l'agriculture.  

  1. Objectifs d'amélioration et réglementations

Partant de ces constats là d’émissions de polluant, des réglementations européennes, nationales et régionales ont été mises en place afin de limiter leurs émissions et leurs impacts. Voici brièvement, quelques objectifs nationaux et régionaux :

A l'échelle nationale :

  • La directive UE 2016/2284
    • Réduction en 2020 par rapport à 2005 de -4 % pour le NH3 et -27 % pour les PM2,5
    • Réduction en 2030 par rapport à 2005 de -13 % pour le NH3 et -57 % pour les PM2,5
  • L'arrêté du 31 janvier 2008
    • Déclaration des émissions de NH3 lorsqu’elles sont supérieures à 10 000 kg/ an pour les installations classées soumises à autorisation ou enregistrement (à l’exclusion des élevages).

A l'échelle régionale :

  • Les Schémas Régionaux Climat Air Energie (SRCAE, 2013)
    • Ils sont intégrés au sein des Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Ils donnent des orientations régionales pour le climat, la qualité de l’air et l’énergie à horizon 2020 et 2050. Ils sont destinées à prévenir ou à réduire la pollution atmosphérique afin de respecter les objectifs de qualité de l’air.
  • Les Plans de Protection de l'Atmosphère (PPA, 2014)
    • 38 plans d’actions visant la réduction des émissions de polluants atmosphériques. Applicables aux agglomérations de plus de 25 0000 habitants et aux zones en dépassements de normes de qualité de l’air ou qui risquent de l’être.

Ainsi les réglementations cherchent à encadrer et limiter les impacts de l'agriculture sur la qualité de l'air. Néanmoins la qualité de l'air impacte également l'agriculture.

B. La qualité de l'air impacte aussi l'agriculture

Les polluants atmosphériques impactent notamment le secteur agricole de deux manières : ils baissent la qualité de production et les rendements agricoles.

  • Baisse de qualité

L’ozone a un rôle dominant dans la baisse de qualité des production agricoles. En effet, cet agent oxydant et perturbateur des équilibres hormonaux, diffuse à l’intérieur des plantes et affecte ainsi la photosynthèse, la production et les rendements. L'ozone altère directement la qualité des produits végétaux, en engendrant par exemple des nécroses foliaires. Il altère indirectement la qualité des produits animaux, en modifiant par exemple la digestibilité des aliments.

  • Baisse de rendement :

En Île-de-France, des expérimentations ont été menées par des équipes de l'INRAE et ont montrées qu’une augmentation de la concentration d’ozone dans l’atmosphère de 27% (de 30 à 38 ppb) entre la montaison du blé et sa récolte induit une perte de rendements de 20 %.

A l’échelle européenne, une même démarche a montré que les concentrations d’ozone observées en 2000 ont entraîné une perte de rendements des cultures de blé de 13 % soit un manque à gagner de 3,2 milliards d’euros.

Sans pic de pollution à l’ozone, le gain de production de blé tendre pourrait être d’environ de 6 millions de tonnes/an, soit 900 millions d’€/an.

Ainsi agriculture et qualité de l'air sont fortement liées. Intéressons-nous désormais à l'agriculture comme levier d'aggradation de la qualité de l'air.

II. L'agriculture régénératrice, solution à la dégradation de la qualité de l'air

De nombreuses pratiques agricoles peuvent être mises en place pour aggrader la qualité de l’air. Elles concernent les engrais organiques, engrais minéraux, le brûlage à l’air libre des déchets, les bâtiments ... Un travail de synthèse a été réalisé par l’Ademe pour détailler la faisabilité de changements de pratiques et leur impact sur les émissions de NH3.

Leviers agricoles pour réduire les émissions d'ammoniac et donc limiter leur impact sur la qualité de l'air
Leviers agricoles pour réduire les émissions d'ammoniac et donc limiter leur impact sur la qualité de l'air (©ReSoil, 2024)

Ainsi de nombreux leviers peuvent être déployés par les agricultrices et agriculteurs français, afin de limiter leur pertes d'azote ou autres polluants atmosphériques et ainsi préserver la qualité de l'air.

Néanmoins ces leviers ont un coût (investissement en matériel, engrais moins émetteur mais plus onéreux, etc.). Le financement via les crédits carbone (par le Label bas-carbone) est une opportunité pour financer cette transition (à la fois d'un point de vue carbone et de la qualité de l'air).

Conclusion

L’agriculture est une secteur clef impactant la qualité de l’air et est une source diverse de leviers d'action (notamment ceux concernant les engrais organiques et minéraux, bâtiments d’élevage ou brûlages)

Néanmoins changer ses pratiques demande des connaissances agronomiques précises et des sources de financements. ReSoil accompagne ainsi les agriculteurs et agricultrices dans leur changement de pratiques qui sont inscrits dans l’agriculture régénératrice. ReSoil s’inscrit dans la démarche du Label bas-carbone et peut suivre les émissions de gaz à effet de serre et la qualité de l’air (émissions de NH3) de ses agriculteurs partenaires. Avec l’aide de ReSoil, les agriculteurs et agricultrices pourront identifier les leviers d’action les plus impactant d’un point de vue climatique et qualité de l’air, afin d’être rémunérés par la rémunération carbone.

L’Ademe a lancé cette année l’appel à projet AgriQAir pour que des entreprises, collectivités ou associations créent de la connaissances sur les pratiques agricoles limitant les pertes par volatilisation d’ammoniac dans l’air et de particules fines.

Infographie récapitulative des origines et liens entre agricultures et qualité de l'air (Ademe, 2024)
Infographie récapitulative des origines et liens entre agricultures et qualité de l'air (Ademe, 2024)