Les 6 points à retenir sur la COP16 biodiversité

19 novembre 2024

- par
Sibylle

La 16ᵉ Conférence des Parties (COP16) à la Convention sur la diversité biologique s'est tenue à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 2 novembre 2024. Dans un pays réputé pour sa biodiversité exceptionnelle, les négociateurs et experts internationaux se sont réunis sous le slogan évocateur : « Faire la paix avec la nature. » Les rapports alarmants sur la perte continue de biodiversité, comme le déclin de 73 % des populations de vertébrés sauvages en cinquante ans, montrent en effet l'urgence d'actions plus ambitieuses et coordonnées.

Cette COP intervient deux ans après la signature de l’accord-cadre de Kunming Montréal (COP15, 2022), qui comprend 23 objectifs à réaliser d’ici 2030 ; et notamment la protection de 30 % des terres et des mers de la planète à échéance 2030. Or, actuellement, les zones protégées ne concernent que 17,6% de la surface terrestre et 8,4% de la surface marine et côtière. La COP s’est également fixée en 2022 un cadre ambitieux : mobiliser 200 milliards de dollars par an à l’horizon 2030. La COP16, présidée par la ministre de l’environnement colombienne Susana Muhamad, avait ainsi pour but de s’accorder sur la mobilisation des ressources financières et la fixation d’un cadre commun permettant de suivre et d’évaluer les progrès des pays en matière de biodiversité. Plusieurs décisions devaient également être prises sur les aires marines, les ressources génétiques ou encore les peuples autochtones.

Voici les 6 points à retenir de la COP16 !

1. Un statut renforcé pour les peuples autochtones et des communautés locales dans les COP biodiversité

Un organe subsidiaire permanent a été créé pour garantir la participation directe des peuples autochtones et des communautés locales aux décisions prises dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique (CDB). Les négociations duraient depuis 8 ans.

Cet organe, indépendant des États-nations, a pour mission principale de soutenir et d’évaluer la mise en œuvre des décisions de la CDB liées aux peuples autochtones et aux communautés locales, tout en conseillant la COP sur des mesures pour préserver et valoriser leurs savoirs traditionnels dans la conservation des écosystèmes. Ces communautés pourront ainsi avoir une voix à côté de celles des Etats pour des négociations qui les concernent au premier chef. Cela symbolise la reconnaissance du rôle central que jouent les peuples autochtones et des communautés locales en tant que gardiens de la biodiversité mondiale. Lles peuples autochtones sont désormais considérés comme des partenaires à part entière et non comme de simples parties prenantes consultatives. Elle augure d'une nouvelle ère pour les COP biodiversité, où justice sociale et conservation écologique sont étroitement imbriquées.

Participants de la COP16 à Cali, Colombie, lors de la plénière du 1er novembre 2024. ©UN Biodiversity / Flickr
Participants de la COP16 à Cali, Colombie, lors de la plénière du 1er novembre 2024. ©UN Biodiversity / Flickr

2. Un texte sur la reconnaissance des « afrodescendants »

La COP16 a également reconnu l'importance des personnes d'ascendance africaine dans la conservation de la biodiversité. Ce texte vise à valoriser leurs contributions et à promouvoir une inclusion plus large dans les processus décisionnels liés à l'environnement.

Les afrodescendants, descendants des victimes de la traite transatlantique des esclaves ou de migrants plus récents, représentent encore aujourd’hui certains des groupes les plus marginalisés. Ils incarnent des modes de vie traditionnels liés à la nature, et jouent eux aussi un rôle crucial dans la conservation de la biodiversité, particulièrement en Amérique latine. Il est donc nécessaire de valoriser leurs savoirs traditionnels et leurs perspectives culturelles et sociales, qui enrichissent les stratégies globales de conservation. Les pays sont désormais davantage encouragés à faciliter leur participation aux discussions de la CDB.

3. L’établissement du "Fonds Cali" pour le partage des bénéfices

La COP 16 a acté la création d’un fonds multilatéral, le Fonds Cali, destiné à recevoir des participations des entreprises qui font des bénéfices issus de l'utilisation des informations de séquençage numérique (Digital Sequence Information, DSI) des ressources génétiques des espèces végétales ou animales - qui sont un bien commun. Cela concerne les produits cosmétiques, alimentaires, ou les médicaments par exemple. Ce fonds vise à assurer un partage équitable de ces bénéfices.

Longtemps réclamé par de nombreux pays en développement afin d’avoir une compensation adéquate pour l’exploitation de leur biodiversité, ce fonds incarne une reconnaissance de la nécessité d’une distribution plus équitable des bénéfices liés à l’utilisation et l’exploitation par le secteur privé des ressources génétiques, afin de soutenir la protection de la biodiversité.

Le fonctionnement du Fonds Cali devrait reposer sur une contribution annuelle des grandes entreprises exploitant les DSI,  à hauteur d’un pourcentage de leur chiffre d’affaires (0,1 %) ou de leurs profits (1 %). Les fonds collectés seraient redistribués principalement aux pays en développement et aux communautés autochtones, reconnaissant ainsi leur rôle crucial dans la préservation des écosystèmes.

Cependant, la mise en place de ce fonds a suscité des débats entre pays du Nord et du Sud. Les pays du Nord plaidaient pour des contributions volontaires des entreprises, notamment car les Etats-Unis n'ont pas ratifié la Convention de l'ONU sur la biodiversité et ne sont donc pas tenu de respecter ces décisions. Le caractère obligatoire ou volontaire der ces contributions reste flou. Des incertitudes subsistent donc quant à l'efficacité du Fonds Cali : le montant total que le fonds pourra collecter dépendra largement de la volonté des entreprises à respecter leurs engagements.

Plénière du 30 octobre, Cali, Colombie. ©UN Biodiversity / Flickr
Plénière du 30 octobre, Cali, Colombie. ©UN Biodiversity / Flickr

4. L’adoption d'une feuille de route pour les "crédits biodiversité"

Lors de la COP16 sur la biodiversité, le comité consultatif international sur les crédits biodiversité (International advisory panel on biodiversity credits, IAPB) a présenté un « cadre pour des crédits biodiversité à haute intégrité  ». Ce cadre éthique est essentiel pour éviter les dérives potentielles et assurer que les mécanismes de compensation écologique bénéficient réellement à la conservation de la nature. Le rapport établit ainsi une série de grands principes : les crédits devront correspondre à des actions ayant un impact positif « mesurable et vérifié », et les personnes vivant dans les zones concernées par les projets devront y être associées. L’IAPB recommande également dans un premier temps de ne pas créer un marché mondial, mais plutôt des marchés nationaux qui devront être régulés, pour assurer la crédibilité de ces crédits biodiversité.

Ces crédits visent à donner un prix à la « compensation » directe de la destruction d’écosystèmes causée, par exemple, par un projet minier ou d’autoroute. Ils peuvent aussi, et on parle alors plutôt de certificats biodiversité, reconnaître la valeur des contributions volontaires d’entreprises, d’États ou d’organisations philanthropiques pour restaurer une zone humide, accompagner un producteur de caoutchouc dans une gestion plus durable de sa forêt, etc.

En France, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition éologique, a annoncé jeudi 14 novembre le lancement du dispositif national de crédits biodiversité à travers la publication prochaine des textes réglementaires relatifs aux « sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation » (SNCRR). L’objectif serait de permettre un financement privé à ces sites.

Cependant, la création de crédits biodiversité fait débat : les opposants rappellent notamment que l'organisation Earth Track a récemment chiffré le montant annuel des subventions néfastes à l’environnement - l’argent public qui soutient une agriculture intensive non durable, plutôt qu’une agriculture qui s’appuie sur la nature par exemple. Celui-ci a été estimé à 2 600 milliards de dollars, dépassent largement le montant nécessaire pour atteindre les objectifs du cadre mondial pour la biodiversité. Il suffirait donc plutôt de rediriger une partie de ce montant pour financer la nature, plutôt que de créer un nouveau marché. Certains experts craignent également que les crédits biodiversité ne deviennent une excuse pour continuer des activités destructrices.

5. Des engagements financiers supplémentaires mais insuffisants

Huit pays - l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la France, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la province canadienne du Québec - se sont engagés à abonder le Fonds-cadre mondial pour la biodiversité (GBFF, en anglais) pour un montant de 163 millions de dollars. Ces nouvelles promesses de dons portent à quelque 400 millions de dollars le GBFF, créé en 2022 dans le but de financer la protection et la restauration de la nature dans les pays en voie de développement.

Bien que ces engagements représentent un pas en avant, le montant du GBFF reste largement inférieur aux 200 milliards de dollars par an à l’horizon 2030  (objectif fixé par l’accord de Kunming-Montréal il y a 2 ans). Cette situation met en évidence la nécessité d'une mobilisation financière accrue et d'une volonté politique renforcée pour atteindre les objectifs fixés.

6. L’absence d'accord sur le financement global de la biodiversité

L’article 21 de la Convention sur la Diversité Biologique, signée en 1992, explique qu’il est nécessaire de créer un organe financier qui centraliserait l’aspect financier. Mais 32 ans plus tard, la COP16 n'a toujours pas abouti à un accord sur le financement global de la biodiversité, qui permettrait d’atteindre l’objectif de porter à 200 milliards de dollars par an les dépenses mondiales pour sauver la nature d’ici 2030. Le bras de fer opposait plutôt les pays développés (du Nord) aux pays en développement (du Sud) sur les moyens de financer cette feuille de route.

Certains pays en développement demandent la création d’un nouveau fonds autonome pour la biodiversité. Ils abritent une grande partie de la biodiversité mondiale, et souhaitent un organe sous l’autorité de l’ONU pour centraliser et garantir une aide financière équitable et accessible. Ils trouvent en effet l’accès aux fonds d’aide existants difficile, inefficace, voire inéquitable.

Mais les pays riches, qui abondent ces fonds, sont pour la plupart en austérité budgétaire et s’y opposent, hostiles à la multiplication des fonds multilatéraux d’aide au développement. Ils craignent que cela prenne du temps, engendre des coûts supplémentaires, et la fragmentation des aides divisées dans plusieurs fonds. La question de l’élargissement de la base des donateurs pour inclure la Chine par exemple est également un point contentieux.

Les négociations ont été interrompues faute de quorum, plusieurs délégations ayant quitté la conférence pour l’aéroport. Cet échec reflète l'absence de priorité politique claire des gouvernements et du secteur privé sur la question, comme l’a souligné M. António Guterres, Secrétaire général de l’ONU : “Il est évident que le financement est essentiel, mais le financement ne suffit pas. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une priorité politique au niveau des gouvernements, des institutions multilatérales, et d’un engagement clair du secteur privé.” Cela laisse planer un doute sur la mise en œuvre effective des ambitions du cadre mondial pour la biodiversité.

En conclusion :un bilan décevant

Ainsi, les échanges lors de la COP16 témoignent d’une volonté d’inclusion et de justice, avec la reconnaissance des droits des peuples autochtones et des afrodescendants, ainsi que la création du Fonds Cali pour le partage des bénéfices des ressources génétiques. Ces initiatives renforcent le rôle des communautés locales dans la préservation de la biodiversité et valorisent leurs savoirs.

Cependant, l’absence d’un accord global sur le financement est un échec dramatique. La COP16 a aussi échoué à faire adopter un mécanisme contraignant pour suivre et évaluer les progrès des pays d’ici la prochaine COP biodiversité en 2026. Les engagements financiers, bien qu’en progression, restent largement insuffisants pour atteindre l’objectif des 200 milliards de dollars annuels fixés par l’accord de Kunming-Montréal. Nous retenons la fracture entre pays du Nord et du Sud, qui risque de perdurer lors de la COP 29 sur les changements climatiques, qui dure jusqu’au 22 novembre à Bakou.

La COP16 rappelle l’urgence d’une mobilisation politique et financière renforcée pour transformer les ambitions en actions concrètes. Les délégués ont également appelé à des actions coordonnées pour aborder conjointement les crises de biodiversité et de climat, qui sont interdépendantes. Des appels ont été lancés pour renforcer la coordination entre les conventions internationales pertinentes et pour intégrer les considérations relatives à la biodiversité dans les stratégies climatiques nationales.

Susana Muhamad, présidente de la COP16 biodiversité, Cali, Colombie. ©UN Biodiversity / Flickr
Susana Muhamad, présidente de la COP16 biodiversité, Cali, Colombie. ©UN Biodiversity / Flickr

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