25 mars 2025
Lorsque l’on souhaite aujourd’hui acheter des crédits carbone, on peut facilement se laisser submerger par la multitude de propositions différentes. Le Marché Volontaire du Carbone (MVC) est devenu un écosystème extrêmement complexe, où s’enchevêtrent une multitude d’acteurs et de projets, aux prix très variés. Comment se fait-il que certains crédits ne coûtent que 4 €, alors que d’autres dépassent la centaine ? Les crédits carbone valent-ils tous ? Qu’est ce qui explique ces différences ?
Cet article a pour ambition de prendre du recul pour y voir plus clair dans la "jungle des crédits carbone".
Depuis les Accords de Paris sur le climat en 2015, le marché volontaire du carbone a connu une forte expansion. Toutefois, cette croissance n’a pas été linéaire : le marché a connu de multiples transformations, et continue encore aujourd’hui à se structurer.
Alors qu’il connaissait une progression constante depuis plusieurs années, le marché volontaire du carbone a subi une forte contraction sur l'année 2023.
Dans son État des lieux de la contribution carbone vue de France publié en 2024, InfoCC interroge des acteurs vendant des crédits carbone présents sur le marché français mais intègre aussi les ventes de ces acteurs à des acheteurs à l'international. Cette étude révèle que, sur son périmètre pour l'année 2023, la vente de crédits carbone a chuté de 36% en volume par rapport à l’année précédente (de 40 millions de crédits carbone à 26 millions). Cette baisse marquée s’explique principalement par deux facteurs majeurs.
Une perte de confiance dans les crédits carbone
Ces dernières années, plusieurs scandales ont ébranlé la crédibilité des crédits carbone volontaires. L’un des cas les plus retentissants est une enquête conjointe de The Guardian, Die Zeit et SourceMaterial, publiée en 2023, qui révélait que plus de 90 % des crédits REDD+ (générés par l'absence de déforestation d'une zone) issus du plus grand label de compensation au monde, Verra, n’avaient en réalité aucun impact climatique réel.
Loin d’être un cas isolé, de nombreux autres cas semblables sont régulièrement venus faire la une des journaux, écorchant ainsi la confiance du grand public dans les crédits de carbone qui les assimile régulièrement à du greenwashing.
Cette crise de confiance a eu des répercussions directes sur le marché : les investisseurs et entreprises, autrefois moteurs de la demande, se montrent désormais plus prudents, entraînant une baisse significative des ventes de crédits carbone.
Une conjoncture économique défavorable pour la compensation carbone des entreprises
Le marché volontaire du carbone repose sur des engagements non contraignants des entreprises, souvent intégrés dans leur stratégie RSE à des fins de communication, d’image et d’attractivité. N’ayant que peu d’effets économiques immédiats, elle est étroitement liée à la santé économique des entreprises disposées à mettre plus ou moins de budget pour la compensation. Or, l’année 2023 a été marquée par une conjoncture économique difficile : inflation persistante, tensions géopolitiques exacerbées par la guerre en Ukraine, crises énergétiques... Autant de facteurs qui ont fragilisé les entreprises et réduit leur capacité à allouer des budgets à des actions de compensation carbone. Dans un contexte de réduction des coûts, la contribution climatique est souvent reléguée au second plan, expliquant en partie le repli du marché.
Face à la contraction du marché, de nombreux acteurs restent convaincus du potentiel des crédits carbone et mettent en place des initiatives pour restaurer la confiance et renforcer leur crédibilité. Loin de disparaître, le marché volontaire du carbone évolue vers des standards plus exigeants et des approches mieux encadrées.
Pour une plus grande robustesse du marché des crédits carbone
Pour limiter les risques de fraude et garantir une réelle contribution climatique, de nouvelles exigences en matière de robustesse et d’additionnalité – tant climatique que financière – ont émergé sous l’impulsion des acheteurs. Concrètement, cela s’est traduit par des méthodologies plus prudentes, des projections de réduction d’émissions revues à la baisse et des audits renforcés. En 2023, le Gold Standard a par exemple drastiquement réduit la quantité de projets certifiés suite à de nombreuses critiques considérant son processus de certification comme trop léger.
En 2024, l’Union Européenne s’est également mêlée au marché volontaire du carbone en publiant son Carbon Removals and Carbon Farming Regulation (CRCF). Proposant la mise en place d’un cadre européen de la certification carbone, il traduit la volonté d’une plus grande transparence sur les marchés carbone volontaires ainsi que d’un meilleur encadrement et contrôle des processus de certification. Des groupes de travail définissent actuellement les méthodologies de comptabilité carbone qui seront progressivement publiées courant 2026. Le CRCF et son registre de comptabilité devraient ainsi être mis en place en 2028.
Au-delà de l'aspect carbone, une prise en compte des co-bénéfices environnementaux et sociaux
Au-delà de leur impact climatique, les crédits carbones sont de plus en plus évalués à l’aune de leurs co-bénéfices environnementaux et sociaux. S’ils restent minoritaires, ces critères deviennent un argument clé pour les acheteurs soucieux d’un engagement plus large. En garantissant des bénéfices sociaux (création d’emploi locale, meilleure rémunération des agriculteurs) et environnementaux (conservation de la biodiversité, préservation de la qualité de l’eau) les projets assurent de ne pas être dans le « tunnel » carbone et de provoquer des dommages collatéraux sur d’autres aspects.
Parmi les nouveaux critères d’évaluation de la qualité des crédits carbone, la localité joue également un rôle croissant. Les projets implantés sur le territoire ou le pays de l’acheteur permettent non seulement une meilleure compréhension des actions financées, mais offre aussi une visibilité concrète sur les résultats obtenus. La cohérence avec l’activité de l’entreprise dans une optique de décarbonation du Scope 3 renforce également la légitimité de la démarche.
Dans ce contexte de transformation du marché carbone volontaire, le Label bas-carbone (LBC) vient justement se démarquer. Créé en 2019 par le Ministère de la Transition Ecologique et l’ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) avec la collaboration de nombreux partenaires, le LBC porte une rigueur scientifique et une transparence totale sur ses méthodes de calcul des réductions de GES.
Les crédits issus du Label Bas-Carbone (LBC) ne peuvent être revendus, ce qui limite les risques de spéculation financière. Porté par les pouvoirs publics, ce label s’impose progressivement comme une référence, notamment pour les projets agricoles et forestiers. Bien qu’il reste encore marginal en volume – représentant moins de 2 % des crédits vendus dans l'étude (500 000 en 2023) et environ 7% de ceux achetés par des acheteurs français – le LBC se distingue par une dynamique plus stable. Selon InfoCC, en 2023, il n’a enregistré qu’un recul de 12% en volume (de 567 000 crédits carbone à 500 000) et de ~8% en valeur, en deçà de la baisse observée chez la plupart des grands labels internationaux.
Le prix d’un crédit carbone dépend d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du projet (forestier, agriculture etc.), les co-bénéfices générés (bienfaits sociaux, sur la biodiversité etc.), son implantation géographique (en France, en Europe, un autre continent…), son objectif d'évitement ou de séquestration carbone ou encore le standard de certification (Label Bas Carbone, Verra, Gold standard…). Le prix d’un crédit carbone peut ainsi drastiquement changer selon les critères.
Le prix du carbone au niveau mondial a connu une constante croissance au cours des dernières années, passant de 4,6 € TTC par tonne équivalent CO₂ en 2021, à 6,1 € en 2022 et 8,05 € en 2023 selon InfoCC. Derrière cette tendance à la hausse se cache pourtant une forte hétérogénéité. Aujourd’hui, le prix d’un crédit peut varier de 0,38 € à plus de 200 € la tonne.
Le poids du label
Le type de certification est un déterminant central. En moyenne, les crédits carbone certifiés par Verra ou Gold Standard oscillent entre 7 et 8 € la tonne. Leur prix peut cependant descendre à 3,43 € pour le Clean Development Mecanism ou monter à plus de 20 € pour le Carbon Action Reserve. Avec un prix moyen autour de 34,5 € par tonne, les crédits issus du Label Bas-Carbone (LBC) sont ceux vendus au prix le plus élevé, reflétant entre autre la robustesse méthodologie de ce label.
Il est important de noter que les crédits « bon marché » représentent une large majorité au sein du marché carbone volontaire : plus de 75% des crédits vendus à des acheteurs français ne dépassent pas les 15 €.
L’influence géographique
La localisation des projets a également un impact significatif. Alors que pour les projets localisés en France la moyenne tourne plutôt autour de 35 € TTC, elle peut descendre à 6,8 € en Asie, ou au contraire monter jusqu’à plus de 42 € en Océanie. Ces prix dépendent évidemment de facteurs économiques comme le coût de la main-d’œuvre ou la taille du projet (économie d’échelle), mais reflètent également une transparence et des contrôles inégaux.
Deux grandes tendances se dessinent aujourd’hui sur le marché volontaire du carbone. D’un côté, des crédits à bas coût, souvent issus de projets internationaux axés sur les réductions d'émissions et non la séquestration du carbone, permettent une mobilisation rapide des financements mais présentent souvent un manque de robustesse et de garanties. De l’autre, des crédits locaux, plus chers, misant sur la traçabilité, les co-bénéfices territoriaux et la robustesse des projets. Un arbitrage que chaque entreprise doit effectuer en fonction de ses priorités et de ses engagements climatiques.
Si la localisation et le label de certification sont les principaux leviers de variation du prix des crédits carbone, d’autres paramètres comme le type de projet, le coût de mise en œuvre, les co-bénéfices qu’il génère ou encore le nombre d’intermédiaires dans la chaîne de vente peuvent faire considérablement évoluer les tarifs.
Les types de projets
Tous les crédits carbone ne se valent pas en matière de complexité ou de rentabilité.
Les projets liés aux énergies renouvelables ou à la gestion des déchets affichent généralement des prix beaucoup plus bas, à l’inverse, les initiatives de reforestation, plus complexes à mettre en œuvre et à suivre dans le temps.
Au sein d’un même standard comme le Label Bas-Carbone, les écarts sont notables. Les projets de reboisement ou d’afforestation (majoritaires dans le cadre du LBC) affichent un prix moyen d’environ 30€ TTC par tonne de CO₂ alors que les projets agricoles - plus complexes et coûteux à mettre en œuvre- se situent plutôt entre 30 et 55 € la tonne. La quantité de co-bénéfices influence également le prix de vente. En général, un projet agricole de conversion vers l'agriculture biologique intégrant des pratiques bas-carbone affichera un prix supérieur à un projet conventionnel, en raison des nombreux co-bénéfices générés (biodiversité, qualité de l’eau etc.) et de son coût de plus élevé.
Le rôle des intermédiaires
Autre facteur souvent sous-estimé : la structure de la chaîne de commercialisation. Plus elle est longue, plus elle peut rogner la part effectivement reversée au porteur de projet, ou faire monter le prix du crédit. Dans certains cas, la vente passe simplement par un opérateur ou une structure de mise en relation directe. Mais d’autres projets transitent par plusieurs niveaux d’intermédiaires, comme des marketplaces spécialisées,
Résultat : Pour un même crédit vendu, un porteur de projet peut percevoir entre 15 % et 100 % du montant payé par l’acheteur. Ces chiffres sont 2 extrêmes, dans le cas du Label bas-carbone, la moyenne reste plutôt favorable, avec environ 75 % des fonds revenant aux porteurs de projets. Un indicateur important à surveiller pour garantir que l’effort climatique bénéficie avant tout à ceux qui le réalisent sur le terrain.
En somme, le prix d’un crédit carbone reflète bien plus qu’une simple tonne de CO₂ évitée ou stockée. Il dépend d’un ensemble de critères techniques, géographiques et méthodologiques, mais aussi de choix politiques et éthiques. Derrière ces écarts de prix se dessinent des visions différentes de la contribution climatique. Pour les acheteurs, comprendre ces mécanismes est essentiel afin de faire des choix éclairés et cohérents avec leurs engagements. La transparence sur les coûts et la traçabilité des projets restent les meilleurs garants de la qualité.
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A mars 2025, ReSoil accompagne plus de 200 agriculteurs partout en France métropolitaine.
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