Comment bien communiquer sur la compensation carbone de son entreprise ?

01 août 2024

par
Alexandre

Vous aurez compris le thème de cet article avec cette petite touche d'humour en illustration. Nous allons voir comment bien communiquer sur ses actions de financement de puits de carbone en alignement avec la science, et la loi !

I) Ce qu’il est essentiel de savoir avant de communiquer sur la contribution carbone

A- La neutralité carbone ne peut s’entendre qu’au niveau planétaire

L’Accord de Paris est le socle sur lequel se fonde la politique climatique de l’ensemble des pays qui l’ont ratifié, dont la France. L’objectif est clair : pour limiter le réchauffement climatique planétaire en deçà des 2°C, il est nécessaire d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Concrètement, il faut qu’au niveau planétaire, nous séquestrions d’ici 2050 autant de carbone que nous en émettons de manière à stabiliser le niveau de concentration dans l’atmosphère et limiter ainsi l’augmentation de la température globale de la planète.

Ainsi, l’objectif de neutralité carbone, défini comme l’équilibre arithmétique entre les émissions et séquestrations anthropiques de GES, doit être vu comme une approche globale qui n’a de sens qu’à l’échelle de la planète. Au travers de l’Accord de Paris, les États s’approprient l’objectif pour permettre une coordination internationale de l’action. La définition de neutralité carbone, telle que décrite ci-avant, ne doit pas s’appliquer à une autre échelle : territoire infranational, organisation (entreprises, associations, collectivités, etc.), produit ou service, etc.

Premier point important : scientifiquement parlant, une entité ou un objet ne peuvent pas être neutres en carbone. Ils contribuent à la neutralité carbone planétaire.

B- Cet objectif est décliné par des stratégies au niveau national

Afin d’orienter les stratégies publiques et privées en France vers la neutralité carbone planétaire dans la continuité de l’Accord de Paris, l’État français a défini les propres objectifs de la France en matière de contribution française à la neutralité carbone mondiale. C’est la Stratégie Nationale Bas-Carbone : la première version (SNBC 1) a été publiée en 2015 au lendemain de l’Accord de Paris, elle a été mise à jour en 2019 (SNBC 2). Une nouvelle version est attendue courant 2024.

Ainsi, la SNBC définit une trajectoire de réduction d’émissions de GES au niveau national. En 2015, les émissions territoriales de la France étaient de 458 MtCO2eq annuelles. L’objectif est d’atteindre 80 MtCO2eq annuelles en 2050, soit une réduction d’environ 80% sur la période. Les 20% restants, soit environ 80 MtCO2eq doivent pouvoir être absorbés dans des puits de carbone (forêts et sols agricoles principalement).

Scénario SNBC pour la neutralité carbone ©ReSoil, 2024
Scénario SNBC pour la neutralité carbone - Source : SNBC

Pour cela, des objectifs appelés “budgets carbone” sont définis secteur par secteur, ayant tous une trajectoire de réduction des émissions associée. Par exemple, en 2020, le budget carbone du secteur de l’industrie était de 73,75 MtCO2eq pour une trajectoire menant ce budget carbone à 15,6 MtCO2eq à horizon 2050. En 2020, les émissions de GES du secteur de l’industrie étaient de 75,78 MtCO2eq. Ainsi, en 2020, les émissions de GES du secteur de l’industrie étaient supérieures au budget carbone du secteur fixé par la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC).

Répartition sectorielle des budgets carbone - Source : scénario AMS ©ReSoil, 2024
Répartition sectorielle des budgets carbone - Source : scénario AMS

Ces objectifs et trajectoires engagent l’ensemble des entreprises, institutions et particuliers dans un objectif commun de contribuer à la neutralité carbone. Cependant, un certain nombre d’acteurs ont récupéré ces objectifs pour leur compte et de nombreuses allégations comme “territoire neutre en carbone”, “marque certifiée neutre en carbone”, “service zéro carbone”, “neutralité carbone à vie”, ”produit zéro carbone”, “événement neutre en CO2” ont été de plus en plus visibles ces dernières années. C’est du greenwashing !

Comme nous l’avons vu, la neutralité carbone n’a de réalité scientifique qu’au niveau mondial et peut être utilisée au niveau d’un pays pour se donner des objectifs nationaux à moyen et long terme. Derrière ces slogans, des entreprises qui financent des projets de puits de carbone pour “compenser” les émissions de leur produit, service, structure, etc. Leur calcul est simple : si mon produit émet 10 tCO2eq et que je finance un projet forestier (souvent à l'international) qui va a priori permettre de séquestrer 10 tCO2eq, alors mon produit est “neutre en carbone”. Si on applique cette approche au niveau mondial, tout le monde finance des projets de puits de carbone et continue d’émettre tant que c’est “compensé”. Cela ne tient pas, ne serait-ce que parce qu'il n’y a pas du tout assez de potentiel additionnel dans les puits de carbone mondiaux mais surtout car cela est contre-productif pour l’objectif commun du monde : diminuer l’impact de l’activité humaine sur le réchauffement global de la Terre.

C- Pourquoi ces allégations de “neutralité carbone” posent des problèmes ?

Vous l’aurez compris, l’utilisation de l’argument de “neutralité” est abusive. En ce sens, l’ADEME identifie dans un avis public 5 raisons pour lesquelles ces déclarations des entreprises sont problématiques :

  1. Cela induit les consommateurs et clients en erreur en minimisant l’impact environnemental de l’achat de tels produits en suggérant faussement qu'une lutte efficace contre le changement climatique peut se faire sans réduction significative des émissions ni changement des comportements.
  2. Tous les projets de compensation ne se valent pas en qualité et en impact au-delà de l’aspect du carbone : ce n’est pas la même chose d’aller planter un arbre à l'autre bout du monde sans pouvoir vérifier l’effectivité de l’impact du projet que de financer un projet vérifiable en France dont la méthodologie est encadrée par l’Etat.
  3. Il est difficile de savoir quelles entreprises s’engagent réellement pour l’environnement si tout le monde peut se cacher derrière une prétendue “neutralité carbone”.
  4. Cela affecte la crédibilité des organisations, car il y a une attente de transparence et de communication de ces dernières par le public.
  5. Cela freine la diffusion de récits mobilisateurs : “Ce discours dominant [”la neutralité carbone”] laisse complètement dans l’ombre les autres objectifs associés à la lutte contre le changement climatique : contribuer au développement d’une société plus résiliente, plus juste et davantage respectueuse du vivant, permettre une meilleure qualité de vie, offrir une alimentation plus saine et un air plus pur, etc.”

II) Comment la communication autour de la neutralité carbone est-elle désormais encadrée ?

A- Le décret du 13 avril  2022 : une première pierre

Dans le but de lutter contre la diffusion de ces allégations environnementales problématiques, l’Etat français s’est penché sur l’encadrement du marketing autour de la neutralité carbone.

Initialement, la loi Climat et Résilience prévoyait en 2021 l’interdiction pure et simple des allégations de neutralité carbone. Ambition dévoyée selon les mots de Carbone4, cette disposition réglementaire a finalement vu le jour sous la forme d’une autorisation sous conditions à travers le Décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité. Ce décret met en place les Articles D229-106 à D229-109 du Code de l’environnement : Section 9 : Allégations environnementales. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2023.

Pas d’interdiction donc, mais la mise en place de conditions pour communiquer sur la neutralité carbone de ses produits : plus d’allégations de neutralité carbone sans pouvoir justifier de réductions réelles d’émissions. Le décret s’applique à toutes les formes de publicités (affichage et correspondance publicitaire, télévision, presse, cinéma, communication en ligne ou emballages). Concrètement, pour pouvoir avancer des allégations de neutralité carbone reposant sur de la compensation carbone, une organisation doit prouver ses actions concrètes pour éviter et réduire ses propres émissions.

Ce que le texte impose :

  • La production annuelle d’un bilan des émissions de GES basé sur une approche cycle de vie
  • La communication de la méthodologie et des périmètres retenus pour ce bilan
  • L’établissement d’une "trajectoire de réduction" des émissions, basée sur des objectifs scientifiquement fondés et visant une baisse continue et significative, alignée avec les réductions de 5% à 7% par an suggérées par l'Accord de Paris. Elle précise des objectifs annuels sur 10 ans et est mise à jour tous les 5 ans.

Si les émissions unitaires associées au produit augmentent 2 années de suite, les allégations environnementales de neutralité carbone doivent être retirées.

B- Le Label bas-carbone mis en avant par le décret pour encadrer

Le décret définit également des modalités précises sur les projets de compensation carbone utilisés dans le cadre des communications des organisations sur la “neutralité carbone” des produits. Les organisations doivent communiquer publiquement sur la fourchette de prix des projets financés, sur la cohérence des financements avec le bilan des émissions de GES, sur la justification de l’absence du double comptage de la compensation et sur la cohérence géographique des projets entre les lieux d’émissions et de compensation. Les projets de compensation carbone mis en œuvre dans le cadre des allégations environnementales des organisations doivent respecter certains critères :

  • les critères du crédit carbone tel que défini par la loi : les réductions des projets sont mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles
  • ils ne doivent pas être défavorables à la préservation et la restauration des écosystèmes naturels et de leurs fonctionnalités

Le Label bas-carbone est mis en avant comme un label sérieux et de référence dans le décret.

En cas de non-respect de ces conditions, le décret évoqué est complété par un autre décret du même jour. Il prévoit “une amende de 20 000 € pour une personne physique et de 100 000 € pour une personne morale, ces montants pouvant être portés jusqu'à la totalité du montant des dépenses consacrées à l'opération illégale.”

C- Un projet de renforcement de ce décret au niveau européen ?

Le 17 janvier 2024, les parlementaires européens ont voté une directive sur les allégations environnementales. La directive doit encore recevoir l’approbation finale du Conseil avant de pouvoir être publiée au Journal officiel de l’UE. Ensuite, les États membres disposeront de deux ans pour la transposer dans leur droit national.

Concrètement es affirmations selon lesquelles un produit a un impact « neutre » ou « positif » sur l’environnement grâce à des systèmes de compensation des émissions seront interdites dans l'UE d'ici 2026, dans le cadre d'une législation visant à lutter contre les allégations environnementales trompeuses.

III) La communication autour de la compensation carbone : ce qu’il faut faire et ne pas faire

Ces différentes réglementations sont des pas importants vers une régulation transparente des allégations de neutralité carbone. Pour les entreprises, respecter ce cadre ne signifie pas seulement éviter des sanctions, mais contribuer authentiquement à la lutte contre le changement climatique. Cela nécessite une refonte des pratiques de communication, s'alignant sur une vision durable et scientifiquement validée de la neutralité carbone. Respecter la loi n’est pas suffisant, il faut changer de manière de voir les choses.

A- Ce qu’il ne faut pas faire : quelques exemples

Avant de partager des recommandations de communication alignées sur la science et la loi, voici quelques exemples français ou non de communication à ne pas reproduire !

Les SUV : Malgré leur forte consommation de carburant et leurs émissions élevées, certains SUV sont présentés comme "neutres en carbone" sans réduire effectivement leurs émissions. Cela démontre un écart entre la lettre de la loi et son esprit, permettant un greenwashing évident.

Site internet d'une entreprise du secteur de l'automobile ©ReSoil, 2024
Site internet d'une entreprise du secteur de l'automobile

La coupe du monde 2022 au Qatar : n’en déplaise aux fans de football, la FIFA s’est bien ratée sur ce coup-là. Alors qu’on entendait parler de stades climatisés sous 40°C, la FIFA communiquait sur la neutralité carbone de l’événement. Pas besoin d’être un expert pour comprendre le problème : afficher une neutralité carbone avec de la compensation sans être sérieux sur ses propres émissions n’est pas cohérent.

En novembre 2022, 5 organisations européennes dont Notre Affaire à tous (France) et Carbon Market Watch (Belgique) ont déposé plainte dans plusieurs pays de l'Union Européenne car elles estimaient que :

  • l’allégation de neutralité carbone ne s’appuyait sur aucune vérification
  • les émissions de GES de l’événement ont été largement sous-estimées
  • les crédits carbone achetés étaient de “très basse qualité”

L’autorité en charge du dossier a confirmé en 2023 la tentative de greenwashing de la part de FIFA et l’a enjoint à “renoncer à l’avenir aux allégations contestées, en particulier que la Coupe du monde de football organisée en 2022 au Qatar serait neutre pour le climat et le CO2”.

Les tomates 100% neutres en carbone : Un gros producteur de tomates présente ses tomates comme neutres en carbone, alors même qu’il est de notoriété publique que la production de tomates est polluante (énergie, transport, logistique). Au-delà du respect de la loi, c’est la démarche derrière qui pose problème : quel but si ce n’est induire le consommateur en erreur sur l’impact environnemental de sa consommation ?

B- Communiquer, c’est mieux quand on est sûr de ce que l’on a à dire

Prendre le risque de communiquer sur une action qui pourrait être taxée de greenwashing, c’est s’exposer à un risque réputationnel, soit tout le contraire de l’effet désiré par la publicité. La meilleure approche pour bien communiquer sur ses actions de compensation carbone est donc que ses actions soient calibrées et cohérentes avec une stratégie de décarbonation globale.

Première étape : comprendre et mesurer l’impact de son activité sur le climat, l’environnement et la biodiversité. En d’autres termes, tout commence par la réalisation d’un bilan des émissions de GES de son organisation.

Il faut ensuite définir sa stratégie climat. Une des approches qui fait consensus aujourd’hui et qui est en accord avec les objectifs scientifiques est la Net Zero Initiative, développée par le cabinet Carbone4 et soutenue par l’ADEME. En quelques mots, les actions doivent être prioritairement orientées vers la réduction des émissions de GES, d’abord ses propres émissions (pilier A de la NZI) puis les émissions des autres (pilier B de la NZI) et enfin agir sur l’augmentation des puits de carbone (pilier C), soit dans sa chaine de valeur lorsque c’est possible (ex : secteur agroalimentaire) ou à travers le financement de projets de séquestration carbone dans une logique de contribution à la neutralité carbone. Pour en savoir plus sur la NZI et la manière de calibrer sa stratégie de contribution carbone, retrouvez notre article Comment calibrer sa stratégie de contribution carbone ?

La séquestration carbone dans la matrice Net Zero Initiative ©ReSoil, 2024
La séquestration carbone dans la matrice Net Zero Initiative - Source : Carbone4

Dernière étape avant de communiquer sans risque sur le financement de puits de carbone : bien choisir les projets financés. En effet, le marché international des crédits carbone a été émaillé à plusieurs reprises de scandales, que cela soit à cause de crédits carbone fictifs ou à cause d’un impact néfaste sur la biodiversité et les populations locales au-delà de l’aspect carbone.

Articles de journaux ©ReSoil, 2024
Articles de journaux

Pour une entreprise française, il est donc recommandé et pertinent de financer des projets en France à travers le Label bas-carbone (en savoir plus ici), label indépendant et public s’appuyant sur des méthodologies rigoureuses scientifiquement. A l’international, Gold Standard et Verra (ex-VCS) font référence mais même ce dernier s’est retrouvé au cœur d’un scandale.

C- Les recommandations de l’ADEME sur la communication autour de la contribution carbone

L’ADEME recommande aux entreprises de sortir du schéma arithmétique de la neutralité au niveau de leur structure : les émissions d’une entreprise sont une chose et ses achats de crédits carbone pour régénérer des puits de carbone sont une autre chose. L’ADEME recommande de réfléchir avec une approche de contribution à la neutralité carbone : une entreprise peut contribuer à la neutralité carbone en finançant des projets de compensation en dehors de sa chaine de valeur. On sort du schéma “une tonne CO2eq émise peut être annulée avec une compensation de une tonne CO2eq”.

Ensuite, l’ADEME incite les entreprises à faire preuve de transparence et de précision dans la communication autour de ces financements de projets. Tout d’abord : il faut inscrire sa communication dans une stratégie globale. Avant de parler de contribution à la neutralité carbone, on parle d’abord de ses actions sur ses activités et sa chaine de valeur pour que tout le monde comprenne que les actions de contribution à la neutralité carbone s’inscrivent dans une stratégie globale et réfléchie.

Formulations préconisées par l'ADEME
Formulations préconisées par l'ADEME - source : ADEME

ReSoil : des projets de contribution carbone Label bas-carbone locaux et un accompagnement sur la communication autour de votre contribution à la neutralité carbone

ReSoil développe des projets de puits de carbone agricoles en France certifiés par le Label bas-carbone, et accompagne tous ses clients dans la construction de leur communication autour de leur contribution à la neutralité carbone. Car lorsque l’on agit bien, il est essentiel de bien communiquer dessus !

Contribuer à la neutralité carbone est à la portée de toutes les entreprises engagées. Si vous vous posez la question de la contribution carbone, n’hésitez pas à nous contacter, l’équipe ReSoil vous accompagne de A à Z pour vous proposer des projets de régénération de puits de carbone agricoles sur-mesure, certifiés par le Label bas-carbone sur votre territoire !

Pour consulter tous les projets que nous développons, déjà certifiés par le Label bas-carbone, c’est par ici !