Que retenir de l’évènement ReSoil : comment contribuer localement à la neutralité carbone ?

7 octobre 2024

par
Sibylle

Jeudi 26 septembre 2024 a eu lieu l'événement de rentrée de ReSoil. Les représentants d’une cinquantaine d’entreprises ont bravé la pluie pour se retrouver à la ferme d’Orsigny, sur le plateau de Saclay, et échanger autour d’une question : comment contribuer localement à la neutralité carbone ?

Revivez l'ensemble de notre événement à travers le trailer vidéo sur ce lien

Tour de plaine sur la ferme d'Orsigny, ©ReSoil, 26 septembre 2024
Tour de plaine sur la ferme d'Orsigny, ©ReSoil, 26 septembre 2024

1) Présentation du Label bas-carbone par la DREAL Île-de-France

La matinée a commencé par une intervention d’Axel Benoist, chargé de mission transition énergétique à la DRIEAT Île-de-France, accompagné de Maxence Dodin, chargé de mission climat et agriculture à la DRIAAF Île-de-France, afin de présenter le Label bas-carbone.

Ce label, créé en 2018, est « directement un outil de mise en œuvre de la SNBC, la Stratégie Nationale Bas-Carbone, qui vise à échéance 2050 la neutralité carbone », explique Axel Benoist. Il vise à certifier les réductions et absorptions d’émissions carbone, dans des projets principalement agricoles ou forestiers. Le Label bas-carbone s’appuie sur des méthodes approuvées par le Ministère de la Transition écologique de réductions des émissions, qui peuvent être proposées par tout acteur. Chaque projet doit se référer à la méthode appropriée afin de bénéficier de la labellisation. Le processus de labellisation commence par l'élaboration, avec l'agriculteur, d'un scénario de référence. Il s'agit pour cela de définir des changements de pratique réalistes permettant de réduire les émissions ou d'augmenter la séquestration de carbone, par rapport aux pratiques agricoles des trois dernières années. Enfin, le Label bas-carbone assure des audits (à 3, 5 ou 10 ans selon les méthodes), afin de vérifier que les objectifs fixés lors du scénario de référence ont bien été atteints.

Le Label bas-carbone offre plusieurs avantages. Pour les porteurs de projets, il facilite l'accès au financement en récompensant les efforts sur les réductions d’émissions (RE). Pour les financeurs, il permet de contribuer à la neutralité carbone mondiale, une action vertueuse pouvant être utilisée pour leur communication. Et pour les acteurs locaux, il permet l’émergence de projets locaux qui favorisent le circuit court, et entraîne ainsi des co-bénéfices sociaux. Il se distingue également par la robustesse de ses méthodes : il est reconnu tiers 3 par l’initiative SBTI, le niveau de robustesse le plus élevé, en raison de sa prise en compte des données spécifiques à l’exploitation et au climat local et non mondial. Le Label bas-carbone est un label public qui ne concerne que les projets français, bien que des discussions soient en cours pour harmoniser ces normes à l’échelle européenne.

Enfin, le Label bas-carbone fonctionne selon le principe d’additionnalité suivant lequel les réductions d’émissions ne peuvent être reconnues que si elles sont additionnelles par rapport à une situation initiale. Il ne labellise donc pas les exploitations déjà très avancées dans leurs pratiques bas-carbone. Axel Benoist a également précisé que le Label bas-carbone ne garantit pas le financement, ce qui est le rôle de partenaires comme ReSoil.

Axel Benoist présente le Label bas-carbone, ©ReSoil, 26 septembre 2024
Axel Benoist présente le Label bas-carbone, ©ReSoil, 26 septembre 2024

Retrouvez la vidéo du témoignage complet d'Axel Benoist sur ce lien.

2) L’agriculture régénératrice selon Simon Bestel, co-fondateur de Fermes En Vie (FEVE)

Dans un second temps, Simon Bestel, co-fondateur de Fermes en Vie (FEVE), a pris la parole. FEVE, en tant que foncière solidaire, a pour mission de répondre à un enjeu double : i) le renouvellement des générations agricoles, car 40 à 50 % des agriculteurs partiront à la retraite dans les dix prochaines années ; et ii) la transition écologique des pratiques agricoles, pour répondre à la crise écologique actuelle. Ainsi, FEVE propose à des jeunes agriculteurs de s’installer sur des fermes achetées grâce à leur foncière solidaire, et les encourage à mettre en place des pratiques agroécologiques.

Pour que chacun comprenne les principes de l'agroécologie, ou agriculture régénératrice, Simon Bestel a tout d'abord montré qu'il était essentiel de restaurer les sols pour préserver la santé des écosystèmes agricoles. Il a notamment expliqué l'importance de maximiser la capture de l'énergie solaire grâce à la couverture permanente des sols avec des productions végétales. Développer la biomasse permet également de mieux capter et retenir l’eau pour la rendre disponible aux plantes. De plus, les réseaux racinaires et mycélien rendent disponibles les minéraux du sol aux plantes, un processus oublié par l’agriculture conventionnelle qui apporte l’azote directement aux plantes. Ainsi, deux tiers des sols français aujourd’hui ne peuvent plus produire sans apports directs d'engrais azotées : « les sols sans cette béquille agrochimique ne sont plus capables d'avoir une productivité significative ».

Ainsi, Simon Bestel explique que l’agriculture régénératrice repose sur six leviers d’action qui répondent à ces enjeux. Ceux-ci incluent la couverture végétale des sols, la diversification des cultures, la réduction du labour, la limitation des biocides, l’agroforesterie, et l’intégration de l’élevage extensif dans les exploitations. Ces pratiques visent non seulement à restaurer la fertilité naturelle des sols, mais aussi à capter le carbone atmosphérique, participant ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique. Simon Bestel a également rappelé que ces pratiques sont très difficiles à mettre en œuvre et peu valorisées aujourd'hui, alors qu’elles sont essentielles. D’où l’importance des structures comme ReSoil, qui permettent de les valoriser par la rémunération du carbone stocké, avec l’espoir que cette valorisation puisse un jour s’étendre à d’autres aspects comme la biodiversité ou la gestion de l'eau.

L'agriculture régénératrice selon Simon Bestel, ©ReSoil, 26 septembre 2024
L'agriculture régénératrice selon Simon Bestel, ©ReSoil, 26 septembre 2024

Retrouvez la vidéo du témoignage complet de Simon Bestel sur ce lien.

3) Le témoignage de Théophile Letierce, chef d’exploitation de la ferme d’Orsigny engagée dans le Label bas-carbone ; et de Dorian Spaak, coordinateur général chez Terre et Cité

La matinée s’est poursuivie par l'intervention de Théophile Letierce, agriculteur en grandes cultures sur la ferme d’Orsigny où se déroule l'événement. Il a décrit les pratiques qu'il a mises en place depuis sa reprise de l’exploitation en 2020 afin de séquestrer davantage de carbone dans ses sols. Cela a permis de mieux comprendre les enjeux concrets auxquels font face les agriculteurs engagés dans la transition écologique de leur exploittaion.

Théophile Letierce a détaillé les différentes étapes de sa conversion en agriculture biologique, soulignant l’ampleur du changement : « on a fait un saut dans le vide, parce qu’on n’a pas converti la moitié de la ferme ou 35%. On s’est dit : si on y va, on y va vraiment ». Le passage en bio a nécessité de repenser complètement les assolements, introduisant des légumineuses comme le soja ou la luzerne, pour améliorer la fertilité des sols sans recourir aux engrais de synthèse interdits en bio. Théophile Letierce a montré l'importance de la fertilisation naturelle et des couverts végétaux, ajoutant que ces pratiques, bien que bénéfiques à long terme, ont des coûts immédiats difficiles à absorber. Le Label bas-carbone permet ainsi de financer une partie des efforts : « les crédits carbone que l’on va générer avec ces pratiques vont nous permettre d’absorber une partie de ces coûts », explique Théophile. C'est également ce que l'on peut lire dans cet article écrit par RFI qui a couvert cet événement ReSoil. 

Dorian Spaak, représentant de l’association Terre et Cité, une structure multicollégiale qui offre un espace d’échange entre agriculteurs et autres acteurs du territoire du plateau de Saclay, a également pris la parole. Il a mis l’accent sur l’importance de la collaboration entre agriculteurs et chercheurs du plateau de Saclay pour développer des solutions locales et durables en matière de séquestration de carbone. Il a aussi souligné la nécessité de reterritorialiser les solutions climatiques : « c’est important de redonner du concret, de la possibilité d’action sur quelque chose qui sinon est très anxiogène ».

Ces témoignages ont ainsi montré comment les agriculteurs, avec l’appui de structures comme Terre et Cité et ReSoil, mettent en œuvre des actions concrètes pour répondre aux défis environnementaux, tout en préservant l’équilibre économique de leurs exploitations. Théophile Letierce a ensuite fait un tour de plaine avec les participants, afin de montrer concrètement ce qui a été mis en place dans le cadre de sa conversion.

Théophile présente les pratiques agroécologiques mises en place sur sa ferme, ©ReSoil, 26 septembre 2024
Théophile présente les pratiques agroécologiques mises en place sur sa ferme, enregistré par RFI ©ReSoil, 26 septembre 2024

Retrouvez la vidéo du témoignage complet de Théophile sur ce lien.

4) Table ronde : entreprises, pourquoi contribuer localement à la neutralité carbone ?

Pour clore la matinée, Grégoire Alston, co-fondateur de ReSoil, a animé une table ronde portant sur la question : « entreprises, pourquoi contribuer à la neutralité carbone ? ». Les trois intervenants, Titouan Kerneis, consultant carbone chez Take[air], Ghislaine Aumeras Broch, directrice RSE à la Stéarinerie Dubois, et Louis-Marie Le Leuch, directeur énergie et climat chez Digital Realty, ont partagé leurs expériences respectives dans la mise en œuvre de la stratégie de contribution carbone de leur entreprise.

Titouan Kerneis a souligné la nécessité d’une évaluation précise des émissions via le bilan carbone, avant toute autre initiative. Il a rappelé que conformément à l’Accord de Paris, il est nécessaire de limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici 2050. Pour cela, les entreprises doivent viser un équilibre entre les émissions qu’elles génèrent et les capacités d'absorption de la planète. Il a insisté sur l’importance de réduire en priorité les émissions internes, avant de contribuer à la réduction ailleurs : « la priorité est de diminuer nos propres émissions ». L’approche qu’il a choisie, la Net Zéro Initiative (NZI) – développée par Carbone 4 et poussée par l’ADEME –, repose sur trois piliers : réduction des émissions directes, puis aide à la réduction des émissions externes, et enfin absorption du CO2 par des projets de séquestration.

Ghislaine Aumeras Broch a mis en avant l'importance de la proximité et de l’action concrète au sein même des territoires. La Stéarinerie Dubois, ETI familiale de plus de 200 ans, a lancé sa politique climatique dès 2019 et s'est fixée des objectifs pour 2025 : réduire de 50 % ses émissions sur les scopes 1 et 2, et de 25 % sur le scope 3. En 2023, l’entreprise s’est engagée dans un projet agricole de séquestration carbone développé par ReSoil, en partenariat avec un agriculteur situé à 25km de leur laboratoire, dans la région de Poitiers. « Il nous était indispensable d’avoir une action à proximité ». Ce lien direct avec l’agriculture locale, combiné à la robustesse du Label Bas Carbone, a renforcé la volonté de l’entreprise d’accélérer ses actions en dehors de sa propre chaîne de valeur, tout en offrant une dimension humaine et territoriale à ses engagements.

Louis-Marie Le Leuch a explicité les défis spécifiques au secteur des data centers, une industrie en pleine expansion où la demande en infrastructure informatique explose, et avec elle, les émissions liées à l’énergie. « La data est une ressource exponentielle, et on ne pourra pas continuer sur cette lancée », alerte-t-il. Malgré un contrôle progressif des émissions directes, notamment par l'utilisation de sources d’énergie renouvelables, le véritable enjeu réside encore dans le scope 3, représentant 70 à 80 % de leurs émissions totales. Digital Realty s’est engagé dans une démarche SBT (Science Based Targets), visant à réduire leurs émissions scope 1 et 2 de 68 % et scope 3 de 24 % d’ici à 2030. L'entreprise s’est également engagée dans des projets de contribution carbone. Digital Realty soutient via Resoil le projet de Théophile présenté plus haut ainsi qu'un second situé en Seine-et-Marne ; ces deux projets étant à proximité de ses data centers parisiens. Cependant, Louis-Marie Le Leuch a souligné la nécessité d'une régulation pour encadrer les usages numériques, estimant que la croissance exponentielle des données pourrait rapidement devenir insoutenable, même avec les meilleures stratégies de réduction.

Table ronde, ©ReSoil, 26 septembre 2024
Table ronde, ©ReSoil, 26 septembre 2024

Grégoire Alston, co-fondateur de ReSoil, a rappelé que, contrairement à la compensation, qui consiste souvent à acheter des crédits carbone pour « annuler » des émissions, la contribution est une démarche proactive et transparente. Il a averti contre les risques de greenwashing lorsque des entreprises affirment être « neutres en carbone » sans réduire significativement leurs propres émissions. De plus, la neutralité d'une entreprise ne devrait pas être confondue avec ses efforts de contribution à l’objectif mondial. Il ne faut pas donc oublier l’importance de la transparence et de la rigueur dans la communication autour de ces engagements. Titouan Kerneis a ajouté que l’ADEME recommande de suivre un guide de bonnes pratiques pour éviter les dérives dans la communication carbone, en insistant sur la nécessité de différencier la réduction et la séquestration des émissions. La transparence, notamment via des rapports extra-financiers comme la directive CSRD en Europe, est un enjeu crucial pour la crédibilité des entreprises.

De plus, l’engagement local peut répondre aux attentes croissantes des clients et investisseurs, de plus en plus exigeants sur les actions RSE des entreprises. Les entreprises doivent désormais répondre à des questionnaires RSE de plus en plus précis dans le cadre des appels d’offres, et les engagements climatiques deviennent essentiels pour rester compétitifs. Comme l’a mentionné Louis-Marie Le Leuch, « celui qui ne le fait pas perdra le marché ». Tous les intervenants ont ainsi montré que les actions pour le climat ne sont plus seulement un choix éthique, mais un impératif stratégique. De même, Titouan Kerneis a explicité les nombreuses façons de valoriser la contribution carbone, en interne et en externe. La slide ci-dessous illustre les nombreux bénéfices de la contribution carbone, prouvant qu’elle représente un réel retour sur investissement pour les entreprises engagées.

Pourquoi faire de la contribution carbone selon Take[air], ©Take[air], 26 septembre 2024
Pourquoi faire de la contribution carbone selon Take[air], ©Take[air], 26 septembre 2024

Ainsi, une action collective est donc nécessaire pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. La contribution carbone est une manière pour les entreprises de participer activement à cet effort mondial, tout en renforçant leur propre résilience face aux risques climatiques et financiers.

Retrouvez la vidéo complète de la table ronde sur ce lien.

A propos de ReSoil

La mission de ReSoil est de favoriser la transition vers une agriculture durable pour la planète, viable économique pour les agriculteurs et comprise par tous en reconnectant le monde agricole et celui des entreprises. ReSoil développe avec ses agriculteurs partenaires des projets agricoles tournés vers l’agriculture régénératrice, certifiés Label bas-carbone.

Vous êtes une entreprise ou une collectivité qui souhaite contribuer à la neutralité carbone en France, dans votre département ou votre région ? Découvrez les projets de nos agriculteurs partenaires labellisés par le Label bas-carbone.

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