21 avril 2024
L’agriculture du XXIe siècle est sujette à des défis de taille. De multiples injonctions sont faites à la filière agricole. Elle doit être : productive pour assurer la sécurité alimentaire, rentable pour permettre une juste rémunération agricole, responsable pour produire sans détruire, intégrée pour créer du dynamisme local, compétitive pour concourir à l’agriculture mondiale et attractive pour assurer la transmission des fermes. Concernant ce dernier aspect, le contexte français reste néanmoins mitigé :
Ainsi, un des forts enjeux reste le renouvellement des générations agricoles. En partant de ce constat là, il est important de comprendre comment accéder à la terre, s’installer en tant qu’agricultrices et agriculteurs, et quels acteurs gravitent dans l’environnement des jeunes repreneurs.
Lorsque l’envie vient à une personne de s’installer sur une ferme, la première étape est de s’informer au Point d’Accueil Installation Transmission (PAIT) de la Chambre d’agriculture. Elle y remplira gratuitement un auto-diagnostic qui permet de clarifier son projet et déterminer les compétences acquises et celles à développer. Il est préférable de réaliser ce premier contact 12 à 18 mois avant la date installation souhaitée.
Pour trouver la ferme qui correspond à ses envies, reste encore à les définir. Il faut alors penser une première ébauche de son système : la localisation de sa ferme, le système de production souhaité, investir dans des terres comme propriétaire ou être locataire, s’installer en collectif ou en individuel, etc…
Pour ceux et celles qui ne sauraient pas exactement répondre aux questions ci-dessus, l’association Le Tour de France agricole, soutenue par le mouvement rural agricole du MRJC, pourrait les y aider. Depuis 2020, l’association propose aux potentiels futurs installés de moins de 30 ans, de réaliser pendant deux semaines des visites de fermes. Au programme : découvertes d’une dizaine de fermes agroécologiques et rentables, échanges thématiques sur l’agriculture de demain, découvertes de la diversité d’acteurs gravitant autour des agriculteurs.
Une fois son système défini plus précisément, il est conseillé de réaliser du salariat ou des stages dans des fermes s'approchant de son projet pour s’imprégner de la réalité terrain du métier. Pour trouver une courte expérience rien de mieux que de démarcher des agriculteurs près de chez soi ou de consulter des sites comme Wwoofing ou Paysans de nature.
Pour les futurs installés hors cadre familial, des “Espaces Test Agricoles” sont notamment disponibles auprès du réseau Reneta. C’est une expérience qui permet de tester l’activité agricole jusqu'à 3 ans, sans création effective d’entreprise agricole. C’est une mise en situation en « grandeur réelle » du porteur de projet sous couvert d’une structure qui l’héberge juridiquement et administrativement. Un cadre juridique et matériel limite la prise de risque sur un lieu donné et pour un temps défini. Le porteur de projet est accompagné par un réseau professionnel d’agriculteurs et d’associations tout au long du test.
Un “Stage Test Installation Transmission” existe en région Auvergne-Rhône-Alpes. Il permet de mieux connaitre l’exploitation sur laquelle s’installer, préparer son projet d’installation, approfondir ses connaissances, et en cas d’association, tester l’entente et l’organisation du collectif. Ce stage dure de 3 mois à un an et est rémunéré par Pôle emploi et la Région.
Une fois que les caractéristiques de son futur système sont définies, vient le moment de trouver concrètement cette ferme. Il est possible de passer par plusieurs acteurs et réseaux pour la trouver :
Lors des visites de fermes, deux éléments sont clefs : rencontrer les cédants et comprendre le système ainsi que faire expertiser le bien.
Parler argent rapidement avec le cédant ou la cédante permet d'éviter des surprises et de perdre du temps à construire un projet qui ne sera pas investi, témoigne Nadège, éleveuse dans les monts du Lyonnais et jeune installée en individuel sur une ferme laitière.
Après avoir trouvé la ferme sur laquelle s’installer, vient le moment d’acquérir les compétences techniques, théoriques et/ou pratiques identifiées comme à développer dans son PAIT. Pour ce faire, il faut réaliser un plan de professionnalisation personnalisé (PPP) dans un centre d’élaboration du plan de professionnalisation personnalisé (CEPPP) avec un conseiller de la Chambre d’agriculture. Cette démarche est gratuite. Il est important de réaliser son PPP pour toucher les aides à l’installation. Les formations explicitées dans son PPP peuvent être prises en charges par différents acteurs (CPF, la région, l’opérateur de compétences du métier actuel, VIVEA (fond pour la formation des entrepreneurs du vivant)). Les formations rajoutées après la réalisation du PPP seront à la charge de l’agriculteur. C’est pourquoi il convient de le constituer avec précision. Toutes les formations doivent être réalisées jusqu’à un an après l’installation. L’acquisition de compétences peut être sous forme de stage d’application, de formation continue ou validation des acquis de l’expérience (VAE). Dans le PPP, il est obligatoire d’inscrire un stage installation collectif de 21 heures sur 3 jours. Il a pour but de :
L’ADEAR propose plusieurs formations pour gagner en autonomie et creuser les questions fondamentales de l’installation : ”De l’idée au projet” , "Choisir ses statuts sociaux juridiques et fiscaux", "Tout comprendre à l’accès au foncier", "Chiffrer son projet d’installation", "S’installer en collectif", "Faire sa demande de DJA en autonomie" ou des formations techniques par filières et thématiques.
Pour que le dossier soit validé, il faut obligatoirement réaliser une étude technico-économique prévisionnelle de la ferme à reprendre pour évaluer la viabilité du projet (à 4 ans). Il faut également définir un plan de financement (chiffrer ses investissements, rechercher des financements, obtenir un accord bancaire …).
Il reste facultative mais intéressant de réaliser une étude de marché ou un diagnostic de l’exploitation reprise.
Pour retravailler sa première ébauche de système, mieux vaut être bien accompagné sur les thèmes : du type entreprise, de la production, des investissements, des projets à développer. Les acteurs peuvent être la Chambre d’agriculture ou l’ADEAR, le Cerfrance ou l’AFOCG. L’ADEAR et l’AFOCG accompagnent les agriculteurs à développer leur autonomie pour qu'ils puissent eux-même demander leur DJA, réaliser leur comptabilité, préparer leur plan de fumure…
Avant l'installation, la future agricultrice ou le futur agriculteur doit obtenir l’autorisation d’exploiter auprès de la Directions départementales des territoires et de la mer (DDTM).
Une fois propriétaire de la ferme ou d’un bail et donc installé sur la ferme, il reste certaines démarches administratives à réaliser. Il faut notamment :
Seuls la motivation et un projet bien préparé ne suffisent malheureusement pas à la viabilité et pérennité d’une ferme. Une personne qui cherche à s’installer peut ressentir plusieurs craintes : l’isolement social, un apport financier conséquent, son acceptation dans le milieu rural et agricole, etc. Il existe néanmoins plusieurs manières de construire son système de telle sorte à lever ces freins-là.
Travailler au sein d’une exploitation agricole peut vite prendre tout le temps du gérant ou de la gérante agricole. Gestion des cultures, soins des animaux, circuit de commercialisation, taches administratives : il y a de quoi occuper tout son temps. Ainsi, pour répartir les responsabilités, les charges de travail et pouvoir aussi échanger avec des pairs, il peut être pertinent d’acquérir une ferme en collectif. Les statuts d’entreprises sont alors multiples : GAEC, EARL, SAS... Voici un bref rappel des différentes structures existantes :
Le choix se fait principalement en prenant en compte les dimensions humaines (volonté de travailler ensemble ou non), économiques (responsabilités partagées et rémunérations) et patrimoniales.
Un bel exemple de projet agricole collectif est le GAEC de la Tournerie dans la Haute-Vienne. 11 jeunes se sont installés sur cette ferme Terre de Liens en maraichage, grandes cultures, bovin lait, caprins et porcins. Cela leur a permis de mutualiser les outils, les bâtiments, les moyens humains, de penser ensemble leur rémunération et leur temps libre.
Les agricultrices et agriculteurs gravitent autour de beaucoup d’acteurs : conseillers, technico-commerciaux, comptables, etc. Néanmoins ces échanges peuvent rester ponctuels. Alors pour enrichir les interactions, une solution peut être la vente directe. Ces moments créent du lien et permettent de connaitre son client final, d’avoir des retours sur la production, de transmettre des connaissances sur le métier agricole. Il est aussi possible pour le gérant ou la gérante de l’exploitation de s’inscrire dans des groupes de travail agricole, de s’intéresser à un syndicat agricole, etc.
Ce réseau d’acteurs est d’autant plus important au début de l’installation pour s’entraider.
Avant mon installation, j'étais épaulée par beaucoup d’experts. Une fois cette phase passée, je me suis sentie seule. Il faut alors redoubler de débrouille et se pousser à créer des connexions, témoigne Nadège, éleveuse laitière.
Avec un prix moyen de l’hectare à 6 130€ et des grandes disparités au sein du territoire français, l’acquisition de terres agricoles constitue la plus grande barrière à l’entrée à l’installation agricole. Pour pallier cela, différentes structures aident financièrement les futurs installés :
A la cession d’une ferme, les terres peuvent être soit vendues au repreneur soit louées. Dans le premier cas, l’agriculteur devient propriétaire de ses terres, dans le second il signe un bail rural avec le propriétaire, qu’on appelle fermage.
Depuis 2003, le mouvement citoyen français Terre de Liens rachète des terres pour les louer ensuite à des agriculteurs qui désirent développer une agriculture biologique, paysanne et de proximité. Ainsi leur investissement au moment de s’installer est moindre. Depuis 20 ans, Terre de Liens a acquis 300 fermes en France et a contribué à installer plus de 700 paysans et paysannes.
Remarque : Le réseau Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (Civam) a réalisé en 2020 une étude pour déterminer de potentiels freins et leviers spécifiques à l’installation des femmes en agriculture. Les thématiques sont variées : recherche de financement ou de cédant, échanges avec les institutions, etc.
Dans un contexte de croissance de la population française, couplée à une déprise agricole, le renouvellement des générations agricoles est un enjeu d’avenir, à fortes conséquences. Les futurs installés peuvent garder à l’esprit que l’installation qui les attend est un processus administratif long. Néanmoins, il reste méthodique. La clef est de rester patient et de s’entourer d’une diversité d’acteurs (techniques, administratifs et financiers). C’est pourquoi il est important de correctement s’informer et s’entourer d’experts.
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