Excédent de pluie en France depuis octobre 2023 : bonne ou mauvaise nouvelle pour l’agriculture ?

17 juin 2024

par
Luc

Fréquence des jours pluvieux en France au printemps 2024 - Source : Météo France
Fréquence des jours pluvieux en France au printemps 2024 - Source : Météo France

Depuis octobre 2023, la France fait face à un excédent de pluie

Si vous ne l’aviez pas encore remarqué, les journaux sont là pour nous le rappeler après chaque averse : depuis octobre 2023 la pluie est tombée en quantité en France. Le site Météo-France n’avait jamais mesuré un cumul de précipitation aussi élevé dans l’Hexagone sur une période de près d’un mois : 215 mm sont tombés entre le 18 octobre et 12 novembre 2023 battant le précédent record vieux de trente ans de près de 20 mm !

Nous vous partageons aussi une autre statistique dans la même veine : en mars 2024, la France a connu un excédent de pluie d’environ 85% vs. la moyenne des 30 dernières années.

Si les français s’étaient habitués à des mois plus chauds que la moyenne en raison du changement climatique, le mois d’avril 2024 étant le 27e mois d'affilée où les températures ont été égales ou supérieures aux normales de saison en France métropolitaine, les mois plus pluvieux que la moyenne étaient eux plus rares.

Certaines personnes nous ont demandé si c’était une bonne chose pour nos agriculteurs partenaires. Notre réponse ci-dessous 👇

A moyen terme l’excédent de pluie de ces derniers mois sera une bonne chose pour l’agriculture.

Ces pluies ont eu lieu pendant la saison de recharge des nappes phréatiques, allant du mois de septembre à mars. En effet, après cette période, les stocks d’eau ne peuvent plus se reconstituer, l’eau de pluie n’atteignant pas les nappes phréatiques mais étant absorbée par les végétaux pour leur croissance.

Ainsi la saison de recharge des nappes 2023-2024 est excédentaire en moyenne sur la France. Cela intervient après 2 saisons déficitaires (-20% en 2021-2022 et -10% en 2022-2023). A fin mars 2024 les nappes atteignaient d’ailleurs des niveaux « modérément haut », « haut » voire « très haut » pour près de 60% d’entre elles. Toutefois la situation restait critique dans les Pyrénées Orientales et le sud de l’Alsace comme l’atteste l’infographie du BRGM, le service géologique national en charge de la surveillance du niveau des nappes phréatiques et de la qualité de eaux souterraines dans l’Hexagone.

Situation des nappes souterraines en France au 1er juin 2024 - Source : BRGM
Situation des nappes souterraines en France au 1er juin 2024 - Source : BRGM

Ces réserves d’eau souterraines rechargées sont une bonne nouvelle pour la ferme France pour les mois d’été à venir, permettant le recours à l’irrigation des cultures gourmandes en eau (cultures légumières, pommes de terre, maïs) sans craindre des restrictions sur les prélèvements d’eau qui auraient une incidence négative sur les rendements de ces cultures.

Toutefois pour la récolte 2024, les fortes précipitations ont perturbé les travaux aux champs, favorisé le développement des maladies et causé des dégâts importants dans certaines zones.

Dans le calendrier agricole, la pluie n’est pas toujours la bienvenue et spécialement au moment des semis. En effet, dans des sols humides les engins agricoles utilisés pour préparer le sol et semer les graines peuvent s’enliser, qui plus est, lors du passage de ces engins agricoles les sols se tassent ce qui est mauvais pour leur structure et le développement des cultures semées.

Cette année, nos agriculteurs partenaires nous ont fait remonter que les semis des céréales d’hiver (ex : blé et orge d’hiver en octobre) avaient été fortement perturbés tout comme ceux de maïs et tournesol dans une moindre mesure en avril. Cela a eu deux conséquences :

  • Soit les agriculteurs ont dû changer le choix de la culture à implanter pour la semer plus tard (ex : remplacer du blé tendre d’hiver par de l’orge brassicole semé en février/mars). Par exemple, les surfaces de blé tendre implantées en France ont baissé de 7,5% vs. la moyenne 2019-2023.
  • Soit ils ont décidé d’attendre et de semer un peu tard au regard du cycle de développement de la culture, cela devrait avoir un impact négatif sur le rendement final (par exemple de -10 à -20% estimé par exemple en Poitou-Charentes pour le blé tendre vs. la moyenne 2019-2023)

Qui dit pluie dit humidité et donc maladies ou ravageurs, l’année 2024 est une année record pour le développement des populations limaces, un ravageur notamment du colza, tournesol et seigle pour les grandes cultures mais aussi de nombreuses cultures maraîchères. L’humidité des sols agricoles est aussi propice au développement des champignons. Par conséquent, empiriquement lors des années humides les agriculteurs ont un recours accru aux pesticides (insecticides contre les limaces et fongicides contre les champignons) pour protéger leurs cultures. Cela pouvant poser des problèmes pour la qualité de l’eau et de l’air mais aussi pour leur santé et celle des populations environnantes.

Les fortes intempéries ont causé des dégâts sur les terres agricoles. Comme l’indique le rapport du GIEC, le réchauffement climatique augmente la fréquence des évènements de précipitations extrêmes. À mesure que l'atmosphère se réchauffe, elle est capable d'absorber davantage de vapeur d'eau (environ 7% par degré supplémentaire) puis de la restituer sous forme de pluies extrêmes ou grêles. Cela s’est vu dans les champs avec des coulées de boue apparaissant dans les parcelles où la terre à nue était friable et exposée au risque d’érosion des sols. Les épisodes de grêles n’ont pas épargné certains départements comme dans l’Yonne où les zones en Grandes Cultures et le vignoble de Chablis ont été fortement endommagés début mai.

L'agriculture doit et devra encore plus s'adapter aux aléas climatiques dans les années à venir

Ces derniers mois ont démontré qu’en raison du changement climatique les agriculteurs devraient pour les décennies à venir non seulement se préparer à faire face à des températures moyennes plus élevées mais aussi à des conditions de travail dans les champs plus difficiles en raison de l’augmentation de la fréquence des épisodes de pluies intenses.

Chez ReSoil, pas de techno-solutionnisme, nous encourageons le développement de pratiques agroécologiques sur les fermes françaises car nous savons que celles-ci favorisent la résistance des fermes aux aléas climatiques. En effet, un sol plus vivant (i.e. avec un taux de matière organique supérieur à 2.5-3% vs. 1.6% en moyenne en France) est un sol plus fertile mais aussi, moins sensible à l’érosion. C’est aussi un sol plus aéré avec une capacité d’absorption d’eau plus grande (la « réserve utile »). Cela a un attrait lors des épisodes de pluie intenses, les agriculteurs pouvant plus facilement continuer leurs travaux dans les champs avec leur tracteur sans s’enliser mais aussi lors des épisodes de sécheresse pour alimenter la croissance des plantes.

A propos de ReSoil

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