La CSRD va-t-elle disparaître ?

04 mars 2025

- par
Perrine

Depuis le début de l’année 2025, la Directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) fait à nouveau parler d’elle !

La CSRD s’inscrit dans le cadre du Pacte vert européen, dont l’objectif est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, et remplace l’ancienne directive NFRD (Non-Financial Reporting Directive), jugée insuffisante en matière d’exigence et de couverture des entreprises. À l’échelle européenne, près de 50 000 entreprises seront concernées par la CSRD d’ici 2027, ce qui suscite de vifs débats. Elle est critiquée pour l’alourdissement des contraintes administratives qu’elle impose, notamment aux PME, et pour ses effets potentiels sur leur compétitivité. Pourtant, ces critiques occultent l’ambition centrale de la directive : préparer une économie durable et compétitive !

Face aux critiques de plus en plus fortes sur son application dans les différents médias, on en oublierait presque de poser la question aux premières concernées - les entreprises.

Et c’est exactement ce que fait Makesense, une association qui favorise l’engagement collectif à travers des initiatives collaboratives pour résoudre des défis sociétaux tels que le climat et l’inclusion : dans l’étude qu’ils ont réalisée en février 2025, qui interroge 294 cadres et dirigeants français, il ressort que 80 % des entreprises sondées sont satisfaites du cadre actuel de la CSRD : 13 % sont très satisfaites et ne veulent pas changer la CSRD ; 67 % sont satisfaites globalement et souhaitent des simplifications. 2 % seulement demandent la suppression de la CSRD et 1 % l'abandon de la double matérialité.

Il convient donc d’apporter un peu de nuance et de comprendre ce que tout cela signifie.

©ReSoil, 2025
Carenews, à partir des données de Makesense - Source : Carenews

Un outil clé pour la transition écologique

L’Accord de Paris, adopté en 2015 lors de la COP21, marque un tournant dans la lutte contre le changement climatique. Il engage 196 pays à contenir l’élévation de la température mondiale bien en dessous de 2 °C, et si possible à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Pour atteindre cet objectif, chaque État signataire doit définir et mettre en œuvre des contributions déterminées au niveau national (NDC), qui fixent une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Dans cette logique, la Commission européenne a lancé en 2021 le plan "Fit for 55", un ensemble de 12 propositions législatives visant à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de l’UE d’au moins 55 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990. Ce plan, pilier du Pacte vert européen, repose sur plusieurs leviers structurants : le renforcement du marché du carbone européen (ETS), un système obligatoire qui impose aux entreprises les plus polluantes de respecter un quota d’émissions, par opposition au marché volontaire du carbone qui permet de financer des projets de séquestration ou de réduction de CO₂.

Il prévoit aussi l’extension de ce marché aux secteurs du transport maritime et routier, l’interdiction des ventes de voitures thermiques neuves à partir de 2035, ainsi que des exigences renforcées en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. "Fit for 55" établit une trajectoire concrète vers la neutralité carbone d’ici 2050.

Inscrite dans la continuité des engagements européens pris lors de l’Accord de Paris (2015) et du plan "Fit for 55" (2021), la directive CSRD vise à mieux mesurer et encadrer les efforts des entreprises pour réduire leur empreinte carbone et préserver les ressources naturelles.

Dans ce contexte, la CSRD est un levier essentiel pour garantir la transparence et l’alignement des entreprises avec ces ambitions climatiques. Elle s’applique aux entreprises remplissant au moins deux des trois critères suivants : un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros, un total de bilan dépassant 20 millions d’euros ou un effectif de plus de 250 employés. À cela s’ajoutent les grandes entreprises cotées, ainsi que les PME cotées, soumises à des exigences allégées. Les filiales de groupes européens peuvent également être concernées si elles appartiennent à une entité soumise à la CSRD.

La CSRD impose à ces entreprises de publier un reporting de durabilité intégrant à la fois des données financières et des indicateurs ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Son ambition est double : renforcer la transparence des impacts environnementaux des entreprises et offrir aux investisseurs des informations fiables et comparables, afin d’orienter les flux financiers vers des activités plus durables et d’accélérer la transition écologique.

Pour atteindre cet objectif, la directive introduit plusieurs exigences renforcées visant à harmoniser et fiabiliser le reporting extra-financier. Les rapports de durabilité sont désormais standardisés afin d’assurer une meilleure comparabilité des données entre entreprises et secteurs, garantissant ainsi une cohérence des méthodologies utilisées. Chaque entreprise concernée doit également soumettre ses informations à une vérification indépendante réalisée par un auditeur ou un organisme tiers, garantissant leur exactitude et leur intégrité. Enfin, l’ensemble des données devra être présenté sous un format électronique unique, facilitant leur accès, leur consultation et leur exploitation par les investisseurs et les parties prenantes.

En imposant ces nouvelles obligations, la CSRD renforce la responsabilité des entreprises, tout en créant un cadre de transparence essentiel à la transformation des entreprises européennes.

Un assouplissement annoncé fin février 2025

Malgré son rôle essentiel, la CSRD est aujourd’hui contestée par certains acteurs économiques et politiques, qui dénoncent sa complexité et la charge administrative qu’elle représente.

En octobre 2024, le Premier ministre français de l’époque, Michel Barnier, a proposé un moratoire repoussant son application de deux à trois ans, arguant que ses exigences constituent des « contraintes déraisonnables » pour les entreprises. Dans un entretien accordé au *Journal du dimanche*, il évoque un « dispositif – une forme de moratoire, par exemple – qui puisse reporter de deux ou trois ans la date d’entrée en vigueur de réglementations très lourdes », visant notamment la directive CSRD dont il conviendrait, selon lui, « de réexaminer la portée ».

Parallèlement, en novembre 2024, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé une proposition visant à amender trois piliers clés du Pacte vert européen à travers une législation Omnibus : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD), la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) et le règlement sur la taxonomie.

Une loi Omnibus désigne, dans le cadre de la législation européenne, une initiative législative qui regroupe plusieurs modifications ou révisions de textes existants sous une seule et même proposition. Une loi Omnibus peut être une directive ou un règlement européen, dont l’objectif principal est de simplifier, harmoniser ou adapter le cadre réglementaire pour répondre à des enjeux spécifiques, tout en réduisant la complexité administrative pour les parties prenantes.

Officiellement, ce projet de directive Omnibus ambitionne d’assurer une meilleure cohérence entre ces initiatives législatives tout en réduisant les charges administratives pour les entreprises. Elle fait suite notamment au rapport Draghi, qui préconisait de "simplifier" les réglementations sociales et environnementales européennes pour favoriser la compétitivité.

Le projet de directive Omnibus a toutefois suscité de vives inquiétudes parmi les professionnels de la transition  écologique et les acteurs de la protection environnementale. Nous redoutons en effet que cette initiative, présentée comme une simplification administrative, ne conduise en réalité à un affaiblissement des normes environnementales adoptées. Une telle évolution risquerait de ralentir la transition écologique des entreprises.

Le 26 février 2025, la Commission européenne a officiellement proposé un assouplissement de la CSRD :

- Seules les entreprises de plus de 1 000 salariés restent concernées, ce qui réduit le nombre d’entreprises concernées de 80 % !

- Premiers rapports repoussés à 2027 pour les grandes entreprises et à 2028 pour les PME cotées, initialement prévus en 2025 et 2026.

- Suppression des exigences sectorielles spécifiques.

- Réduction du nombre d’indicateurs obligatoires, plus de place au reporting quantitatif.

- Cadre allégé pour les PME, avec des obligations réduites.

Les États membres et les eurodéputés devront négocier et peut-être même modifier le texte. Rien n’est définitivement acté avant le vote final, prévu entre la mi- et la fin de l’année 2025. Une fois adoptée, la directive européenne ne sera pas immédiatement applicable en France ; elle devra être transposée dans le droit national, un processus qui pourrait prendre entre 6 et 12 mois. Son entrée en vigueur pourrait donc avoir lieu entre fin 2026 et début 2027. En attendant, la législation française reste en vigueur.

Au-delà des exigences réglementaires, un cadre clair et stable est crucial pour permettre aux entreprises d’élaborer et d’exécuter leurs stratégies de durabilité. L’incertitude réglementaire constitue un frein bien plus préoccupant que le respect de nouvelles obligations, car elle complique la planification des investissements et l’anticipation des évolutions du marché.

Il est essentiel de rappeler que le calendrier de la CSRD est progressif et réaliste, offrant aux entreprises un délai raisonnable pour s’adapter à ces nouvelles exigences.

Sa mise en œuvre échelonnée a été pensée pour accompagner progressivement les acteurs économiques dans cette transition, sans brusquer leur organisation. Dès lors, plutôt qu’un assouplissement des normes, les entreprises ont avant tout besoin de visibilité et de cohérence dans les orientations politiques qui encadrent la transformation durable.

©ReSoil, 2025
Le Parlement européen, à Bruxelles - Source : Le Monde

Conclusion

Avec ReSoil, nous constatons chaque jour à quel point la transparence et l’engagement des entreprises sont des leviers puissants pour accélérer la transition écologique. Une réglementation claire et un langage commun sont indispensables pour permettre aux entreprises de se comprendre, se comparer et progresser, en cohérence avec les engagements pris par l’Union européenne dans le cadre de l’Accord de Paris (2015) et du plan "Fit for 55" (2021).

Ce n’est pas du reporting pour du reporting, mais du reporting pour de l’action !

Loin d’être une simple contrainte administrative, la CSRD vise à donner aux entreprises les outils pour mesurer, piloter et améliorer leur impact environnemental et social.

Un assouplissement de la CSRD est risqué car il pourrait ralentir cette dynamique et affaiblir les entreprises qui ont déjà pris le virage de la transformation. Celles qui intègrent dès aujourd’hui ces nouvelles exigences bénéficieront d’un avantage concurrentiel durable en s’adaptant aux attentes croissantes des investisseurs et des clients. Plutôt que de freiner ces avancées, il est impératif que les décisions politiques à venir garantissent un cadre réglementaire stable, ambitieux et adapté aux réalités économiques, tout en maintenant l’objectif de transition écologique.

Ce n’est pas parce que certains refusent de voir les limites physiques et biologiques de notre modèle économique, pourtant solidement documentées scientifiquement, que celles-ci disparaîtront comme par enchantement. La question n’est pas de savoir si nous devons transformer notre économie, mais comment le faire efficacement et sans attendre. La CSRD est une opportunité : elle doit être un moteur de changement, pas une variable d’ajustement politique.

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